L’obligation vaccinale est-elle éthiquement défendable ?

Articles
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Le débat sur l’obligation vaccinale est ouvert et il est intéressant d’entendre des voix diverses afin de se forger sa propre opinion. La publication de l’ontologue australien Michael Kowalik, consacrée à l’éthique du refus de la vaccination , est à cet égard importante à prendre en compte, car elle examine la question hors du champ médical ou juridique.

Les non-vaccinés sont décriés, stigmatisés et discriminés par des pans entiers de la société (médias , gouvernements et simples citoyens ). On leur tire dessus à boulets rouges, on les diabolise pour leur incivisme et les tient pour responsables de ce que les chantres de la vaccination appellent une « épidémie des non-vaccinés » . Le « pass sanitaire » comme moyen de coercition « soft » est désormais en vigueur dans de nombreux Etats en Europe et le débat sur l’obligation vaccinale fait déjà rage dans certains pays, avec les encouragements de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen , malgré les réserves de l’OMS .

La vaccination : un devoir citoyen ?

Les tenants de la vaccination estiment que sauf contre-indication médicale, toute personne a le devoir de se faire vacciner, pour le bien de des personnes immunodéprimées ou à risques, ou simplement parce que « les bienfaits de la vaccination universelle sont tels pour la santé publique » que le refus de l’injection en devient irrationnel ou « contraire à l’éthique ». Ils arguent d’une « faible incidence en termes d’effets secondaires » et d’une « prévention efficace des maladies graves ». Dans cette optique, la vaccination devient la panacée, qui nous fait échapper à la pire des « catastrophes », et le spectre de la non-vaccination justifierait à lui seul le recours à la discrimination et à la coercition.

Prévention des risques : la fin justifie-t-elle les moyens ?

Michael Kowalik explique, dans sa publication, que l’« autonomie corporelle » de l’individu doit l’emporter sur l’idée d’une nécessaire « réduction ou élimination des risques que celle-ci fait peser sur la vie d’autrui ». D’autant que nos actes sont, presque tous, sources de risques potentiels pour autrui.

Selon l’auteur, la violation des libertés individuelles ne saurait être légitimée par le seul souci de prévenir la « catastrophe » que représente la maladie. En d’autres termes, les restrictions à la liberté de l’individu doivent être « raisonnablement nécessaires au maintien de ce qui confère à la vie toute sa valeur », en sachant que la liberté (en ce compris celle d’accepter, ou non, un traitement préventif après en avoir évalué le bien-fondé) constitue elle-même la clé de voûte d’une vie qui vaut la peine d’être vécue et qu’à ce titre, « elle mérite d’être préservée ».

« L’autonomie corporelle sous-tend notre existence en tant qu’êtres rationnels conscients ». Elle est à ce point essentielle qu’une « violation permanente de cette autonomie corporelle » constitue ni plus ni moins une « destruction partielle de l’être ». C’est pourquoi la contribution à l’immunité collective (induite par la vaccination) « doit compenser pleinement le préjudice que la coercition fait peser sur l’autonomie corporelle de la personne ». Et c’est une gageure, compte tenu du caractère potentiellement irréversible de l’acte médical posé. L’idée que la coercition médicale puisse être légitimée s’en trouve dès lors exclue.

Michael Kowalik relève une « répartition inégale du préjudice subi, en termes d’effets secondaires de la vaccination »: certaines personnes en garderont des séquelles à vie ou connaîtront de graves complications médicales, tandis que d’autres n’en ressentiront pas les effets. De toute façon, les risques potentiels associés à la vaccination sont tels qu’il est éthiquement impensable de contraindre l’individu à mettre sa vie en jeu pour le bien de la collectivité.


Réciprocité

L’injection n’étant sans risque, « l’obligation morale qui nous incombe de nous faire vacciner implique que nous sommes tenus de réduire les risques qui pèsent sur la santé d’autrui en acceptant de faire peser sur notre propre santé un risque accru ou inconnu ». Il en découle que « si je dois accepter, pour ma personne, un risque accru pour préserver autrui, il est juste que les autres acceptent à leur tour, pour eux-mêmes, un risque accru » (découlant, par exemple, du choix de ne pas me faire vacciner) pour réduire le risque qui pèse sur ma personne, dit l’auteur.

La coercition n’est pas éthique

Hormis le fait qu’elle porte indument atteinte à l’autonomie corporelle, l’obligation vaccinale implique « un arsenal de mesures discriminatoires censées améliorer, dans l’intérêt de la santé publique, l’état naturel de notre système immunitaire » - l’une de nos « caractéristiques biologiques saines et innées ». Or, toute forme de coercition ou de discrimination revêt un caractère non éthique dès le moment où elle « vise à faciliter, encourager ou normaliser une modification non désirée de nos caractéristiques biologiques saines et innées ».

Aucune légitimité

L’obligation vaccinale instaure donc une « discrimination à l’encontre des caractéristiques biologiques saines et innées de l’individu ». Par conséquent, aucune légitimité ne peut lui être conférée, quelles que soient les circonstances (urgences et épidémies) ou l’existence « d’hypothétiques vaccins médicalement sans risque ». Par ailleurs, « il n’est guère plus d’obligation morale de se faire vacciner que de fondement éthique solide propre à justifier une discrimination à l’encontre des personnes non vaccinées ». Qu’on se le dise !

 

Par Sylvie Huygen, journaliste citoyenne à BAM!


philosophe éthicien, spécialisé notamment dans l’ontologie et la métaphysique.

Kowalik, Michael, Ethics of Vaccine Refusal (February 26, 2021). Journal of Medical Ethics (2021) DOI: 10.1136/medethics-2020-107026, Available at SSRN: https://ssrn.com/abstract=3793981

https://bam.news/tribune/qui-vous-paie-beatrice-delvaux/

https://www.lalibre.be/belgique/politique-belge/2021/11/21/frank-vandenbroucke-les-personnes-vaccinees-sont-en-colere-contre-les-non-vaccinees-et-cest-comprehensible-ZVQFBQUUZNB7LIOYVEPPRKWFZE/

https://www.lesoir.be/411958/article/2021-12-12/grand-barometre-les-belges-vaccines-approuvent-lidee-de-limiter-les-libertes-des

https://www.arte.tv/fr/videos/106947-004-A/une-epidemie-de-non-vaccines-desintox/

https://www.thelancet.com/journals/lanpub/article/PIIS2468-2667(21)00273-5/fulltext

https://www.touteleurope.eu/societe/covid-19-dans-quels-pays-d-europe-un-pass-sanitaire-national-est-il-en-vigueur/

https://www.rtbf.be/info/monde/detail_coronavirus-ursula-von-der-leyen-plaide-a-titre-personnel-pour-une-discussion-sur-la-vaccination-obligatoire?id=10889563

https://www.politico.eu/article/who-cautions-against-mandatory-vaccination/