Google en guerre contre les esprits ?

Expiré
Liberté & démocratie
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Contrôle des informations échangées en ligne, création de jumeaux numériques, aiguillage vers des contenus sur mesure, la Big Tech vise à formater les citoyens et leurs choix politiques. Selon quels critères? Aux Etats‑Unis, des lanceurs d’alerte tels que Zach Vorhies et le professeur Robert Epstein dévoilent l’influence occulte de Google et son interférence dans les élections. Plongée dans le consortium du totalitarisme 2.0.

Avec 5 milliards d’utilisateurs de smartphones dans le monde en 2024[1], nous vivons presque tous avec un espion dans notre poche. A notre insu, ces petits ordinateurs de poche sont devenus, au fil des années, des dispositifs de contrôle invasifs ultra efficaces.

Grâce à une stratégie marketing sophistiquée qui consiste à proposer “gratuitement” de nombreuses fonctions et applications, fabricants et fournisseurs d’accès sont en mesure de nous géolocaliser en permanence, d’enregistrer nos conversations et échanges sur les réseaux sociaux, de mémoriser nos recherches comme nos achats, afin de codifier avec précision nos choix et comportements. Les Big Tech et en premier lieu Google, analysent ainsi nos opinions politiques, notre orientation sexuelle comme nos engagements en matière d’activisme, de spiritualité ou de religion.

À la rencontre de notre jumeau numérique

Grâce à de puissants algorithmes, cette gigantesque concentration de données permet d’édifier un profil dynamique et extrêmement précis de chaque utilisateur appelé jumeau digital. Ces algorithmes sont non seulement capables de faire de la “programmation prédictive”, c’est-à-dire d’anticiper nos comportements, mais également de les orienter, par le biais de facteurs insérés par Google dans les contenus qui nous sont servis, selon des critères auxquels nous n'avons pas accès.

Une relation totalement asymétrique s’est ainsi installée entre le consommateur et les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Alors que nous croyons évoluer dans une gigantesque bibliothèque du savoir, libre, gratuite et accessible à tous, nous sommes tracés et analysés 24h/24, pour mieux nous influencer selon notre profil, dans le sens décidé par Big Tech. Par ailleurs, nos données sont une source de profit considérable: elles sont vendues à un panel d’entreprises pour procéder à du marketing ciblé avec notre autorisation, même si comme 91% des utilisateurs2 - et 97% des jeunes de moins de 34 ans - nous ne lisons pas les conditions légales du contrat.

Il y a dix ans déjà, des analystes nous avertissaient que Google en savait déjà plus sur nous3 que nous‑même. Avec le développement exponentiel de l’IA, imaginez aujourd’hui le pouvoir de cette compagnie sur chaque internaute. Aux Etats‑Unis, par exemple, l’analyse détaillée de cette masse de données considérable (Big Data) via l’IA permet à Google et autres Big Tech de construire un panorama politique détaillé, État par État, comté par comté, en associant d’une part l’appartenance des citoyens américains officiellement enregistrés dans un parti à leur profil digital et en analysant d’autre part leurs échanges sur les réseaux sociaux. Ces croisements dynamiques, utilisés dès 2008, lors de la campagne politique d’Obama, ont contribué à sa victoire.

D’une coalition lucrative à un totalitarisme 2.0?

Toutes ces données manipulées par Google intéressent de très près le gouvernement fédéral et encore plus les agences du renseignement. La proximité du géant de la Tech et de l’administration Obama se reflète dans le nombre de visites inscrites dans le registre de la Maison Blanche : entre le 21 janvier 2009 et le 31 octobre 2015, les ingénieurs et cadres exécutifs de Google ont visité la Maison Blanche 427 fois[2]. Autrement dit, plus d’une fois par semaine, réunions et entretiens se sont succédés entre des employés de Google et des fonctionnaires de l’administration Obama sur un éventail de sujets très large: sécurité nationale, stratégie des médias numériques, contrats gouvernementaux, législation antitrust, propriété intellectuelle, biotechnologie, énergie et changement climatique, télécommunications, politique étrangère, santé: tout y est passé ou presque.

La démonstration d’une convergence d’intérêts est sans équivoque. Ce partenariat étroit tissé entre Google et le gouvernement fédéral s’est transformé non seulement en de lucratifs contrats public‑privé, mais a également permis la mise au point d’une surveillance, en temps réel, de chaque citoyen américain et étranger, au bénéfice à la fois du géant de la tech, du gouvernement fédéral et de ses agences. Cette surveillance est à la base d’un système de censure sophistiqué, commandité par les agences de renseignements et déployé via les Big Tech, pour manipuler les électeurs dans le sens décidé par ce qu’on surnomme “l’État profond”. Cette expression fait référence à un consortium imbriqué de hauts fonctionnaires non élus qui, au sein du Département d’État, de la Défense et des agences de renseignements (CIA, NSA, FBI), oriente et conduit la politique américaine, quel que soit le parti élu au pouvoir. Il englobe également les CEO des grandes entreprises ainsi que les principaux médias du système et un certain nombre d’ONG et de Think tanks (groupes de réflexion et d’orientation) chargés d’asseoir l’influence de ce consortium à l’intérieur du pays comme à l’extérieur.

Retour sur la présidentielle américaine de 2016

En Europe, on ne réalise pas toujours avec quel acharnement, quel systématisme, Donald Trump a été attaqué par les réseaux de pouvoir via les médias aux ordres. Les médias, quatrième pilier du pouvoir, censés assurer la liberté de l’information et garantir sa fiabilité, fonctionnent de facto au service du consortium pour faire élire celles et ceux qui serviront ses intérêts. Ces agressions, ayant pour but de dénigrer le personnage et d’en faire un repoussoir pour au moins une partie de la population américaine, se sont intensifiées à partir de mi 2015, lors du démarrage de la campagne de Trump.

En effet, malgré le fait qu’il soit milliardaire et fasse partie d’une certaine élite, Donald Trump n’est pas du sérail. Avant sa campagne de 2016, il n’a pas d’expérience en politique et ses préférences évoluent[3] au fil du temps. Suivant les traces de son père, il soutient le parti démocrate à New‑York et compte parmi ses proches John‑John Kennedy, le fils de JFK. Dans les années 80, il défend la candidature de Ronald Reagan. A la fin des années 90, il se rapproche un temps de Ross Perot, businessman comme lui, qui a fait campagne pour les présidentielles de 1992 et 1996 en tant qu’indépendant. En 2012, il envisage de concourir contre Obama lorsque celui‑ci se présente pour un 2° mandat, puis y renonce.

Lorsqu’en 2015, il annonce sa candidature à la présidentielle sous ticket républicain, il déclenche un raz‑de‑marée dans le microcosme politique de Washington D.C. et fait trembler l’establishment. De fait, cet outsider menace le système en place et risque d’enrayer ses rouages bien huilés, alors qu’Hillary Clinton fait partie du cercle et est soutenue largement par Google, son premier donateur, comme l'était Barak Obama avant elle. La campagne acharnée menée contre lui en 2016 atteindra une telle intensité que non seulement une partie des Américains le détestent – on parle du Trump Derangement Syndrome – je l’ai personnellement vérifié auprès de mes amis démocrates -, mais les Européens également le considèrent majoritairement comme un fasciste dangereux.

Google, la puissance d’un monopole

Comment en est‑on arrivé là? Quels ont été les moyens utilisés pour manipuler à ce point l’opinion, et même influencer directement les résultats des élections? L’interférence de Google culminera en effet pour les élections présidentielles américaines de 2020. La question est d’importance car l’histoire pourrait bien se répéter en 2024…

Google possède de facto un monopole sur les moteurs de recherche en Occident, répondant à 92% des recherches en ligne. Au sein des GAFAM, qui sont toutes des corporations américaines, Google représente à elle seule une capitalisation boursière de 1 655 milliards de dollars en 2024. Cette compagnie dispose de la base d’utilisateurs la plus conséquente: Google possède 1,5 milliard de comptes actifs Gmail, tandis que Google Chrome a 2,6 milliards d’utilisateurs actifs[4] dans le monde. Cette position de monopole lui permet de générer un chiffre d’affaires astronomique en publicité: 238 milliards de dollars[5] en 2023, et explique sa relation privilégiée avec le gouvernement et les services de renseignement.

Robert Epstein, le chercheur qui a sonné l’alarme

Google n’en est pas à son coup d’essai, comme l’explique le professeur Robert Epstein qui, dès 2015, alertait publiquement sur l’influence de Google[6] sur les élections. Ce chercheur en psychologie est aussi un geek passionné d’informatique. Il obtient son PhD à l’Université d’Harvard en 1981 puis dirige des recherches sur différents sujets d’analyse des comportements humains, mettant au point des tests en ligne et inventant des modèles informatiques. Auteur prolifique, R. Epstein écrit et contribue à de nombreux médias. En 2013, il découvre comment les moteurs de recherche peuvent manipuler le résultat des élections, phénomène qu’il baptise SEME (Search Engine Manipulation Effect). Il communique dans plusieurs universités et publie sur le sujet, montrant qu’une entreprise dominante comme Google a le pouvoir de déterminer le résultat d'élections serrées.

A partir de 2015, R. Epstein constitue une équipe pour démontrer comment les moteurs de recherche – Google avant tout – procèdent pour influencer et manipuler les individus. Il recrute des volontaires dans chaque État, qui acceptent d’équiper leurs appareils de logiciels développés par son équipe pour capturer systématiquement les réponses aux recherches fournies par Google (et d’autres moteurs comme Bing ou Yahoo), puis les analyser pour déterminer les biais.

Le psychologue découvre ainsi que non seulement les biais existent et sont orientés en faveur des démocrates, mais qu’ils sont spécifiquement ciblés en fonction du profil de l’utilisateur.

L’influence de Google sur les élections

Dans les pays démocratiques, les résultats des élections présidentielles se jouent à quelques points de pourcentage. Ce sont donc les indécis, qui représentent environ 20% des électeurs, qui peuvent charger le résultat d’une élection. Ceux‑ci sont repérés et tracés au fur et à mesure de leurs recherches en ligne, pour être influencés dans le sens recherché par Google. Aux USA, les électeurs indécis sont plutôt des modérés qui ont tendance à pencher vers le camp libéral et Google le sait. L’algorithme va donc sélectionner les 10 réponses en tête de la première page de résultats montrant articles, interviews et opinions positives sur les candidats démocrates – que ce soit pour l’élection présidentielle ou un siège de sénateur ou de représentant au Congrès. Si les questions portent sur l’autre parti, le moteur de recherche fait apparaître des critiques négatives et des images dégradantes des candidats républicains. Il s'agit d'un système éphémère de censure organisé par des algorithmes (une fois les résultats d’une recherche affichés, ils disparaissent) et dont les critères de sélection ne sont pas publics.

Les indécis sont parfaitement identifiés par les profils digitaux des utilisateurs créés et gérés par les algorithmes de Google. Facebook fonctionne de manière similaire en mettant en avant des posts éphémères orientés selon le profil.

Ces résultats inquiétants pour le fonctionnement de la démocratie sont publiés dans des journaux scientifiques. Aucune université cependant ne reprend ni ne développe ces travaux, les directeurs de recherche n’osant pas s’opposer au géant de la Tech. C’est un lanceur d’alerte qui, paradoxalement, va confirmer la véracité des découvertes de Robert Epstein.

Zach Vorhies: le lanceur d’alerte qui a révélé les listes noires

Le lanceur d’alerte Zach Vorhies[7] a défrayé la chronique en 2020, en dénonçant publiquement les manipulations trompeuses de Google sur les sujets politiques. Cet ingénieur logiciel a travaillé près de 9 ans pour la holding Alphabet à San Francisco, d’abord pour Google, puis pour YouTube. Sans être vraiment engagé politiquement, il constate l’orientation gauchiste de la majorité des employés et n’apprécie pas la manière dont sont traités les conservateurs, ultra‑minoritaires au sein de l’entreprise. Il faut dire que la compagnie affiche des valeurs fortes et recrute en conséquence. Google se proclame libérale, au service d’une utopie que l’entreprise s’évertue à imposer à toute l’humanité, et désormais traduite par les principes de diversité, équité et inclusion (DEI) et de l’idéologie woke. Car au‑delà des élections, c'est un véritable système de censure qui a été progressivement mis en place par les Big Tech, au nom de l'idéologie DEI, associée aux démocrates, alors que les conservateurs sont qualifiés avec des étiquettes telles que fascistes, d'extrême droite ou antisémites.

Cette idéologie, née en réaction au racisme, a dérivé vers des prises de positions extrêmes, comme la victimisation systématique des minorités incluant les LGBTQ+, ou la culpabilisation des blancs. Dans les grandes corporations comme Alphabet, elle se traduit par des pactes DEI, allant jusqu’à la promotion d’employés, non pas en fonction de leur expérience et compétences, mais selon leur couleur de peau ou leur orientation sexuelle.

Parmi ses collègues, Zach Vorhies distingue deux catégories: les libéraux apathiques, indifférents aux évolutions de la société et les démocrates affirmés, qui systématiquement prennent parti contre ceux qui ne leur ressemblent pas. Il est sidéré par leur réaction après la victoire de Trump. Mi‑novembre 2016, l’ambiance au cours de la réunion interne de fin de semaine évoque celle de funérailles. Les employés sont effondrés, certains pleurent. La question récurrente est: “comment est‑ce possible que plus de la moitié de nos concitoyens aient pu voter Trump?”. Lorsqu’un employé de Google demande ce que l'on peut faire pour lutter contre la désinformation et les fake news accusées d'avoir conduit à l'élection de Trump, Sundar Pichai, le PDG de Google, répond par des propos à la fois vagues et alarmants. S. Pichai y voit une occasion de progresser dans le domaine de l'apprentissage automatique et de l'intelligence artificielle. Jusqu'à présent, les systèmes de contrôle internes étaient destinés à lutter contre des problèmes comme le harcèlement et les commentaires offensants. Mais une fois généralisés, l’IA et l'apprentissage automatique pourront être utilisés pour faire beaucoup plus.

La multinationale prend alors un tournant marqué vers la censure. Ses algorithmes invisibilisent ou bloquent non seulement les sites, médias et influenceurs conservateurs, mais bientôt aussi tous ceux qui, lors de la crise COVID, contestent la validité des mesures de santé publique. Quand Zach Vorhies découvre les “listes noires politiques”[8] regroupant des sites, des chaînes YouTube et des mots clés qui sont intégrés aux algorithmes de recherche pour bannir, rendre invisible, ou apposer une étiquette négative à certaines sources d’informations, il prend une décision radicale. En juin 2019, il démissionne de Google, emportant avec lui plus de 950 pages de documents internes - dont les fameuses listes noires - qu’il remet au ministère de la Justice. Par le biais du projet Veritas, il alerte aussi le public sur le vaste système de censure de Google. Reconnu comme lanceur d’alerte, Z. Vorhies raconte ensuite son aventure dans un livre publié en août 2021, Google Leaks[9]!. Il y expose en détails comment l’entreprise a développé en interne un véritable “Ministère de la Vérité”.

Inaction des politiques

Selon le code légal américain[10], mentir sous serment devant le Congrès est un parjure, tout comme mentir devant un tribunal. Et pourtant, interrogé en 2019 devant une commission du Congrès par la sénatrice démocrate Mazie Hirono sur la création de listes noires politiques, le vice‑président chargé des politiques publiques de Google, Karan Bhatia répond: “non, madame la Sénatrice, nous n'utilisons pas de listes noires pour influencer nos résultats de recherche”.

De son côté, Robert Epstein continue à documenter la prise de contrôle des comportements, des esprits et des élections, par le moteur de recherche devenu presque incontournable pour des milliards d’utilisateurs. Dans ses interventions, ce libéral répète qu’il place la démocratie, les Etats‑Unis et l’humanité au‑dessus de tout parti politique. Dès 2016, alors que lui‑même soutient Hillary Clinton, il est troublé par les résultats tirés de son logiciel installé chez 95 volontaires répartis dans 24 États américains. Les analyses qu’il conduit avec son équipe sur 13 000 résultats de recherches liées aux élections montrent des biais extrêmes générés par Google. D’après ses calculs, ces biais auraient permis de transférer entre 2,6 et 10,4 millions de votes d’électeurs indécis vers la candidate démocrate, sans que personne ne s’en rende compte!

En juin 2019, R. Epstein est convoqué devant la commission des affaires judiciaires du Sénat américain pour exposer les résultats[11] de ses recherches. Son but est d’alerter les élus sur les menaces que fait peser Google sur le bon fonctionnement de la démocratie. Dans son témoignage, il avertit que les ingénieurs de Google construisent délibérément des expériences éphémères pour changer la manière de penser des internautes et pour orienter leurs choix. En outre, il signale les opérations de surveillance massive menées par les GAFAM, notamment Facebook, et confirme l’existence des listes noires. Enfin, il prévient la commission que, les géants de la Tech soutenant tous le même parti, les élections de 2020 sont compromises et qu’il existe un risque majeur que Facebook et surtout Google utilisent leurs algorithmes pour arriver à leurs fins: faire gagner les candidats démocrates.

Pourtant, les sénateurs ne réagissent pas, alors même que le professeur Epstein présente des solutions techniques concrètes pour monitorer Google. Rappelons que les membres du parti démocrate sont soutenus financièrement par les Big Tech et certains sont en période électorale. Quant aux républicains, ils ont une réticence à légiférer et entraver ce qu'ils considèrent encore comme la libre concurrence. Aucune décision n’est prise et les auditions en restent là.

Il en va de la survie de la démocratie

En 2020, avec une équipe élargie et un financement plus important, Epstein réitère l’expérience. 1735 volontaires, habitant les États et comtés clés pour l'élection présidentielle, sont recrutés. 5 millions de pages web, sur Google, Yahoo, YouTube, Facebook et Bing sont sauvegardées. Quelques jours avant l’élection, il décide de rendre publics ses résultats d’analyse. Les résultats viennent confirmer, sans ambiguïté, des biais, irrégularités ou fraudes dénoncés notamment par des auditeurs et experts des élections[12]. Robert Epstein ose même affirmer que, d’après ses projections, sans intervention de Google, Présidence, Sénat et Congrès américains auraient bénéficié d’une majorité républicaine! Le tableau suivant extrait du site créé par l’équipe Epstein[13] présente en vis-à-vis les résultats officiels de l’élection (colonne de gauche) et une projection des résultats sans interférence de Google (colonne de droite).

Robert Epstein doit avoir l’impression de prêcher dans le désert: les médias mainstream l’ignorent, les sénateurs l’auditionnent puis se détournent de ses travaux sans légiférer, ses collègues chercheurs refusent de reprendre le flambeau. Pourtant, avec son équipe, il poursuit inlassablement ses travaux, dénonçant une prise de contrôle sans précédent de nos esprits. En effet, pour ce psychologue expérimenté, il n’y a aucun doute que l’enjeu n’est ni plus ni moins que la liberté d’exercer notre esprit critique et de penser par nous‑mêmes. Car, grâce aux nouvelles technologies, ces manipulations sont d’une toute autre nature et ampleur que les moyens utilisés dans les régimes totalitaires antérieurs. De par leur nature éphémère, ces manipulations échappent à l’esprit conscient et agissent de manière subliminale, affectant nos choix et nos comportements.

200 plateformes pratiquent le contrôle des contenus

Comme le résume R. Epstein, “vous ne savez pas ce qu’on ne vous montre pas”. L’immense majorité des internautes ne pousse pas ses recherches au‑delà de la première page de résultats proposés par Google. Ils acceptent passivement la vérité selon Google. L’ordre dans lequel sont présentés les résultats des recherches en ligne a donc une importance décisive pour influencer le comportement de l’internaute, selon les critères programmés dans l’algorithme. Le contrôle et l’aiguillage des contenus est pratiqué par 200 plateformes dédiées, orchestrées comme un système de surveillance global selon des protocoles secrets. Google Analytics est conçu pour générer des profits colossaux tout en étant le champion d’une idéologie. Et des dispositifs du même ordre sont à l’œuvre chez Facebook.

Il est souvent fait référence au discours d’adieu du Président Dwight Eisenhower prononcé le 17 Janvier 1961, dans lequel il mettait en garde contre le complexe militaro‑industriel. Robert Epstein pointe un second avertissement[14] évoqué par Eisenhower: “le danger que nos politiques publiques deviennent elles‑mêmes captives d’une élite scientifico‑technologique”.  Soixante ans plus tard, nous y sommes. L’élite techno‑scientifique a pris le pouvoir et infiltré les gouvernements comme les institutions internationales. Un pouvoir considérable se retrouve entre les mains de milliardaires, magnats mégalomanes de la Tech. Avides de vie éternelle grâce à l’IA, ils déploient leur techno‑religion et disposent désormais des moyens d’orienter les masses dans la direction qu’eux‑mêmes auront choisie.

Est‑il déjà trop tard?

Les solutions proposées par Robert Epstein sont pragmatiques et relativement faciles à mettre en œuvre si la volonté politique existe. Il faudrait exiger que Google rende public l’index de recherche de son énorme base de données, autrement dit le rendre open source. Après tout, la recherche d’information ne devrait‑elle pas être un bien public? Cela rendrait transparente la manière dont sont filtrés les résultats, sans pour autant réduire les profits générés par la publicité. Cela relancerait également l’innovation et une concurrence saine, en poussant la création de moteurs de recherche performants, qui pourraient être spécialisés par niches et centres d’intérêt.

Actuellement 70% des vidéos que regardent les internautes sur YouTube sont celles recommandées par l’algorithme. Si nous ne sommes pas d’accord pour que Google oriente nos décisions et manipule nos comportements à votre insu, commençons par désactiver les conseils automatiques, installons un moteur de recherche indépendant et reprenons notre pouvoir!

Elisabeth Dancet


Chapô et illustration de BAM!

Montage photo:  Marcan

[1] How Many People Own Smartphones in the World? (2024‑2029) | Priori Data

[2] TTP - Google's White House Meetings

[3] Donald Trump: Campaigns and Elections | Miller Center

[4] https://zipdo.co/google‑user‑statistics/

[5] Google: advertising revenue 2023 | Statista

[6] How Google Could Rig the 2016 Election - POLITICO Magazine

[7] Zach Vorhies - Google | Project Veritas

[8] More reports suggest Google lied when it told congress it doesn't have manual blacklists

[9] Google Leaks: A Whistleblower's Exposé of Big Tech Censorship: 9781510767362: Heckenlively, Kent, Vorhies, Zach: Books

[10] 18 U.S. Code § 1001 - Statements or entries generally

[11] Why Google Poses a Serious Threat to Democracy, and How to End That Threat

[12]  Audit électoral aux USA : la saga continue | FranceSoir

[13] https://americasdigitalshield.com/

[14] President Dwight D. Eisenhower's Farewell Address (1961) | National Archives

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