Reiner Fuellmich prisonnier politique #4 Persécution en prison

Expiré
Liberté & démocratie
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Témoignage inédit de Reiner Fuellmich sur ses conditions de détention à la prison de haute sécurité de Rosdorf, en réponse à Kerstin Heusinger, correspondante de BAM! en Allemagne. Avec ses photos exclusives, prises au tribunal, et ses croquis.

  • 7h du matin, jours d’audience au tribunal pour Reiner Fuellmich :

“Des agents lourdement armés de pistolets et de mitraillettes, équipés de gilets pare‑balles, me prennent en charge. Ils essaient de me convaincre d’enfiler un gilet pare‑balles, ce que je refuse systématiquement. Ils me font alors signer une décharge, qui les exonère de responsabilité si j'étais blessé par balle ou tué.

Un des agents me fouille au corps, puis comme à chaque fois m’oblige à m’agenouiller sur un tabouret pendant qu’il me met des menottes aux pieds.

Il m’attache une large ceinture de cuir autour de la taille puis me passe des menottes reliées à la ceinture par des chaînes, sécurisées à l’aide d’un gros cadenas.

Mes menottes aux pieds me contraignent à avancer par très petits pas, ce qui rend difficile la montée et la descente du véhicule de transport. Si je trébuchais ainsi entravé, je ne pourrais pas protéger ma chute et me casserais probablement les poignets.

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Des agents pénitentiaires m’ont affirmé qu'ils n'ont jamais vu un accusé pour un simple délit (et non un crime grave ou un acte terroriste) rester plus de 11 mois en détention préventive, être maintenu à l’isolement et surtout être amené pieds et poings enchaînés aux audiences du tribunal.

Arrivé au tribunal, je suis conduit au sous‑sol, dans une cellule carrelée, équipée d’un simple banc de bois, cyniquement surnommée “la cave”. Nouvelle fouille au corps. Je dois ensuite attendre d'être conduit, toujours menotté, dans la salle d’audience. À chaque interruption d’audience, je suis à nouveau menotté et redescendu “à la cave”.

À chaque retour du tribunal, on me fait entièrement déshabiller dans une salle de transit, pour une fouille au corps approfondie.

Harcèlement, humiliations, punitions

Monsieur D, directeur adjoint en charge de la détention provisoire, a ordonné mon isolement complet, sous prétexte que les conseils juridiques que je donnais aux autres détenus pourraient les inciter à la révolte.

La prison de Rosdorf est divisée en deux secteurs; la détention de condamnés (400 détenus) et la détention provisoire (80 détenus) où je suis incarcéré depuis le 13 octobre 2023.

Les prévenus en détention provisoire sont répartis sur 4 niveaux. Ceux considérés comme particulièrement dangereux ou vulnérables sont mis à l’isolement au niveau A0, qui fait l’objet d’une sécurité renforcée et de restrictions supplémentaires. C’est là que j’ai été placé.

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Ma mise à l’isolement a débuté le week‑end de mon anniversaire. Elle a été levée quelques jours plus tard, puis rétablie. Depuis le 10 juin 2024, je suis en isolement permanent.

Dans cette section, pas de possibilité de faire du sport ou de participer à des services religieux. Aucun contact avec les autres détenus des niveaux A1 à A3 n’est autorisé.

Comme les autres détenus du niveau A0, j’ai l’interdiction formelle d’adresser la parole à un autre détenu.

Depuis 11 mois, je n’ai ni accès internet, ni ordinateur, ni portable. Je n’ai droit qu’à la télévision. Mon seul contact avec l’extérieur est mon avocat et les 3 heures par mois de visites ou appels téléphoniques avec ma famille. Oui, 3 heures par mois en tout.

Mon isolement va si loin que même ma promenade quotidienne dans la cour doit être effectuée seul. Cette heure de promenade est suspendue si je suis surpris en train de communiquer avec un autre détenu, même par un signe de main. Oui, si j’échange un salut, même de la tête, avec un codétenu à travers les barreaux d’une fenêtre - lui et moi sommes immédiatement sanctionnés.

Toutes les sanctions disciplinaires sont appliquées sans fournir de motif, ni possibilité de recours.

Tous coupables!

Le traitement des détenus provisoires est particulièrement mauvais et frôle la torture. Monsieur D, qui gère la détention provisoire et remplit également la fonction de travailleur social, ne cache pas ses convictions: il considère qu’être en détention provisoire c’est être coupable.

Son mépris pour la présomption d’innocence est la principale raison de mon placement en isolement.

Il a commis des violations graves et intentionnelles de ses devoirs dont j'ai été témoin. Des violations couvertes par la direction de l'établissement. Quant aux agents de sécurité, à deux exceptions près, ils exécutent les ordres qu’ils reçoivent sans états d’âme, comme des robots.

Le 08 août 2024, j'ai demandé un entretien avec la directrice adjointe de l’établissement pénitentiaire. Je l’ai informée que durant mon absence pour les audiences au tribunal, des objets et documents personnels avaient disparu de ma cellule. Les cellules sont normalement fouillées régulièrement, selon des règles strictes. Ces vols sont survenus en dehors des inspections officielles soumises à procès‑verbal.

 

Persécutions: Reiner pointe le cas Redzep

Toute la gravité de la situation se révèle à travers les agressions subies par un détenu provisoire, Kevin Redzep, qui a été grièvement blessé. Il m’a autorisé à rendre son nom et son histoire publics. Il est originaire du Monténégro et, bien qu’il soit intelligent et parle plusieurs langues, il ne sait ni écrire ni lire couramment l’allemand. Il avait été placé dans une unité où se trouvaient plusieurs détenus violents ou accusés d’homicides volontaires. Traité par ses codétenus de “gitan”, il avait reçu des menaces et demandé de l'aide à Monsieur D, qui avait refusé de le placer avec les détenus vulnérables. Le lendemain, Kevin Redzep fut attaqué par trois codétenus durant la promenade. Il fut si sévèrement blessé à la tête, avec une bouteille en verre, que l’os zygomatique au‑dessus de l'œil gauche fut enfoncé, mettant sa vision en danger.

Le 9 juillet 2024, Kevin Redzep a dû subir une opération avant de retourner à la prison de Rosdorf avant même d’être rétabli. Une nouvelle altercation physique a eu lieu avec cinq ou six agents pénitentiaires, qui l'ont jeté à terre et de nouveau blessé à la tête. Monsieur D a alors ordonné l’isolement de Kevin Redzep, déjà gravement traumatisé.

Kevin Redzep, qui voulait poursuivre Monsieur D, l’établissement pénitentiaire et le Land de Basse‑Saxe pour coups et blessures, m’avait demandé de l’aide. Lorsque Monsieur D a appris que j'avais conseillé ce détenu et lui avait procuré un avocat, Kevin Redzep a disparu. On suppose qu'il a été transféré dans une autre prison. Depuis, Maître Wörmer, mon avocate, tente en vain de le localiser, espérant qu'il soit encore en vie.”

Des lueurs d’espoir

Malgré les sanctions disciplinaires qu’ils encourent, les prévenus en détention provisoire font preuve de solidarité à mon égard. Ils m’encouragent. Ils me crient par exemple: “Ne lâche rien, continue”.

Certains agents pénitentiaires ont compris l’arnaque autour de la pandémie et que mon procès est un simulacre de justice, orchestré par les services de renseignement. Ils me le font savoir et me souhaitent une issue favorable.

Ce qui m’aide surtout, c’est l’immense soutien de l’opinion publique internationale.

Je reçois une grande quantité de courriers, que l’administration pénitentiaire ne prend même plus la peine de lire. Je lis toutes les lettres et je suis infiniment touché de l’affection dont elles témoignent. J’essaie de répondre dans la mesure de mes possibilités.

Parfois, j’aperçois les veillées de soutien et les gens qui me saluent pendant que je passe dans le véhicule de transport vers le tribunal.

Je ressens ce lien, si remarquablement fort, avec tous ceux qui me soutiennent. C’est ce lien qui nous permettra, ensemble, de vaincre l’adversité.

Deux fois par semaine, je suis obligé de me rendre au service médical pour être ausculté, parce que j’ai refusé toute prise de sang. J’ai fait valoir que tout acte médical, et a fortiori tout acte médical invasif, constitue une atteinte à l’intégrité physique si le patient ne donne pas librement son consentement. Je suis donc régulièrement ausculté parce qu’un détenu atteint de tuberculose aurait potentiellement pu contaminer des personnes avec lesquelles il a été en contact.

L’un des médecins de la prison m’a exprimé sa sympathie pour mon travail. Il m’a aussi expliqué que le personnel médical estimait que l'état de santé d’un grand nombre de détenus n’était pas compatible avec leur détention. Mais la direction de l'établissement préfère ignorer cette réalité.

Après avoir personnellement constaté ce qui se passe en détention provisoire, -la suspension des droits fondamentaux des prévenus, leur difficulté à accéder à une défense qui se préoccupe réellement de leur sort-, je suis convaincu que les prisons ne bénéficient qu'à ceux qui en tirent du profit, sachant que la détention provisoire est plus lucrative que la détention après jugement.

Je n'ai rencontré aucun prévenu que je qualifierais de “méchant”. J’ai rencontré beaucoup, vraiment beaucoup de détenus provisoires qui me paraissent innocents, ou bien, qui ont avant tout besoin de traitements thérapeutiques, selon l’aveu même d’un médecin de la prison.

Si nous n'avions pas encore besoin de quelques prisons pour quelques sociopathes, par exemple ceux responsables de la pandémie, des guerres, des massacres comme ceux de Gaza et pour les corrompus du système, je serais pour la suppression des prisons”.

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Témoignage enregistré par Reiner Fuellmich sur le téléphone de son avocate, Me Katja Wörmer,

traduit par Kerstin Heusinger.

Conception et mise en forme de Michel Caulea et KAro.


Chapô de BAM!

Photos et croquis par Kerstin

Plan de sa cellule par Reiner Fuellmich

 

 

 

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