Criminalisés pour avoir cité un conseiller de Zelensky

Expiré
Liberté & démocratie
Typography
  • Smaller Small Medium Big Bigger
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

L'UE sanctionne plusieurs personnes dont Jacques Baud et Xavier Moreau pour "propagande pro‑russe". Gel des avoirs, interdiction d'entrée sur le territoire européen. BAM! a épluché le règlement publié hier au Journal officiel.

Le 15 décembre 2025, le Journal officiel de l’Union européenne a publié le Règlement d’exécution (UE) 2025/2572 du Conseil[1]. Parmi les nouveaux noms ajoutés à la liste des sanctions pour « activités déstabilisatrices » figure Jacques Baud. La formulation est sans ambiguïté :

Jacques Baud, ancien colonel de l’armée suisse et analyste stratégique, est régulièrement invité à des émissions de télévision et de radio pro‑russes. Il agit comme porte‑parole de la propagande pro‑russe et formule des théories du complot, en accusant par exemple l’Ukraine d’avoir orchestré sa propre invasion pour adhérer à l’OTAN.

Par conséquent, Jacques Baud est responsable de mettre en œuvre ou de soutenir des actions ou des politiques imputables au gouvernement de la Fédération de Russie qui compromettent ou menacent la stabilité ou la sécurité d’un pays tiers (l’Ukraine) en recourant à la manipulation de l’information et à l’ingérence.

 

Depuis le 16 décembre, ces mesures sont effectives : gel des avoirs, interdiction d’entrée dans l’UE, blocage de toute ressource économique en provenance du territoire européen.

Quand citer devient un crime

Ce qui frappe dans ce texte officiel, c’est l’exemple choisi pour justifier la sanction : l’idée que l’Ukraine aurait « orchestré » des événements pour forcer son adhésion à l’OTAN. Or, comme nous l’avions déjà mis en lumière dans notre interview de décembre 2022, Jacques Baud ne fait que relayer une déclaration publique d’Oleksiy Arestovych, alors proche de Zelensky et futur conseiller présidentiel.

À partir de la 58e minute de cette entrevue accordée à BAM!, Baud explique comment l’escalade ukrainienne de février 2022 (intensification des frappes sur le Donbass, rapportée par l’OSCE avec plus de 2 000 violations enregistrées les 18‑20 février[2]) visait à rendre une réaction russe « presque obligatoire ». Il cite Arestovych pour illustrer la stratégie sous‑jacente : provoquer un conflit afin d’obtenir des sanctions massives contre Moscou et, in fine, affaiblir durablement la Russie.

L’UE qualifie cela de « théorie du complot ». Pourtant, l’interview d’Arestovych de 2019 existe toujours : il y affirme que « le prix pour rejoindre l’OTAN est une grande guerre avec la Russie » avec une probabilité de 99,9 %.

Bruxelles ne conteste pas l’existence de cette déclaration – elle la criminalise simplement parce qu’elle contredit la ligne officielle.

Cette décision révèle une réalité plus large : Bruxelles ne parvient plus à imposer son consensus par le débat seul. Quand des analyses basées sur des sources ukrainiennes et occidentales (Baud refuse systématiquement les médias russes) gagnent en audience, la réponse devient répressive.

« Je n'avais pas réalisé à quel point j'avais raison »

Les réactions immédiates confirment cette lecture. Jacques Baud lui‑même ironise : « Oui, j'ai été sanctionné pour "propagande russe". Le fait que je n'utilise jamais de matériel russe pour mes livres, mais exclusivement des informations ukrainiennes et occidentales et que j'ai par conséquent refusé des invitations de médias russes, je reste quand même un "propagandiste russe" ! Comme je l'ai indiqué dans mes livres, mon travail ne porte pas sur qui est bon et qui est mauvais, mais sur la manière dont les médias reflètent mal les réalités sur le terrain. Je voulais montrer qu'on peut mieux comprendre le conflit même sans informations russes. L'idée est que la façon dont on comprend une crise définit la façon de la résoudre ! Je n'avais pas réalisé à quel point j'avais raison »

Xavier Moreau

Jacques Baud n’est d’ailleurs pas un cas isolé. Dans la même liste figure Xavier Moreau, analyste français installé en Russie, directeur du centre d’analyses politico‑stratégiques Stratpol. Connu pour ses chroniques régulières et ses livres critiques de la politique occidentale en Ukraine, il est sanctionné pour des motifs similaires : diffusion présumée de « propagande pro‑russe » via ses interventions médiatiques. Comme pour Baud, aucune preuve de financement ou de coordination directe avec le Kremlin n’est avancée. Cette double inscription dans le même paquet de sanctions montre que l’UE cible désormais systématiquement les voix qui remettent en cause la position de l’UE sur le conflit, préférant l’exclusion administrative à la confrontation argumentée.

Xavier Moreau est un homme d’affaires, fondateur du site web Stratpol, et un ancien officier militaire. Il fait office de porte‑voix de la propagande pro‑russe et pro‑Kremlin et diffuse des théories du complot sur l’invasion de l’Ukraine par la Russie, en accusant par exemple l’Ukraine d’avoir orchestré sa propre invasion pour adhérer à l’OTAN.

Par conséquent, Xavier Moreau il est responsable de mettre en œuvre et de soutenir des actions ou des politiques imputables au gouvernement de la Fédération de Russie qui compromettent ou menacent la stabilité ou la sécurité d’un pays tiers (l’Ukraine) en recourant à la manipulation de l’information et à l’ingérence.

Indignations

Des observateurs comme Alfred de Zayas parlent d’« effondrement civilisationnel », Moon of Alabama d’une tentative d’« éliminer les sources d’information alternatives ». Sur X, l’indignation monte, avec des voix de tous horizons dénonçant une dérive orwellienne.

Cette publication au Journal officiel s’inscrit dans un contexte où les divergences nationales éclatent au grand jour (résistance belge sur Euroclear, réticences de la Hongrie et de l’Italie, fatigue économique visible dans les sondages). Plutôt que d’adapter sa ligne, Bruxelles choisit l’escalade répressive, ciblant des experts européens respectés, sans preuve de collusion ni procédure judiciaire.

Faute de convaincre

En sanctionnant Xavier Moreau et Jacques Baud, l'UE ne protège pas les « valeurs européennes » — elle expose sa propre fébrilité. Quand une position doit être défendu par le gel d'avoirs et l'interdiction de territoire, c'est qu'il repose davantage sur l'appropriation du discours que sur la solidité des faits.

Marcan pour BAM!

[1] DÉCISION (PESC) 2025/2572 DU CONSEIL

[2] OSCE Special Monitoring Mission to Ukraine (SMM) Daily Report 40/2022 issued on 21 February 2022

.system-unpublished, tr.system-unpublished { background: #fff!important; border-top: 4px solid #fff!important; border-bottom: 4px solid #fff!important; } .bg-warning { background-color: #fcf8e3; display: none!important; }