La loi « pandémie » devant la cour constitu-tionnelle

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Les Asbl « Notre Bon Droit » et « Grappe », ainsi qu’un citoyen ont déposé  un recours en annulation contre la loi Pandémie devant la Cour constitutionnelle. Leur action dénonce les contours flous de cette loi prolongée fin janvier par le gouvernement, et les risques d’abus qui en découlent.

Votée en juillet 2021 et prolongée de trois mois en trois mois pour gérer la crise sanitaire, la loi pandémie “a été rédigée et votée dans la précipitation, sans tenir compte de la majorité des suggestions émises par d’éminents juristes, mais également sans aucun recul scientifique permettant d’apprécier la pertinence des mesures imposées à la population, ni non plus aucune évaluation de la balance bénéfices/coûts globale pour la société”  estiment les instigateurs du recours. 

Citant pour exemple quelques termes trop imprécis dans le texte - “une menace grave, un agent infectieux, un grand nombre de personnes, une surcharge grave des services de santé, etc”,- les requérants soulignent le risque d’”  interprétation subjective dans le chef des autorités, ce qui empêche toute objectivation de la pertinence des mesures exorbitantes du droit commun et des droits fondamentaux garantis par la Constitution”. 

En outre, ils énumèrent une série de violations : violation des Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, du Traité de l’Union européenne, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et de la Constitution, ainsi que des principes généraux d’égalité et de non-discrimination, du principe de légalité formelle et matérielle, et du principe de proportionnalité”. 

Selon eux, la loi octroie aux Gouverneurs et Bourgmestres la possibilité de prendre des mesures renforcées « chacun pour son propre territoire », ce qui pourrait générer une différence de traitement entre les citoyens sur base de leur localisation en Belgique. 

Concernant le principe de légalité, les requérants considèrent que “les compétences déléguées au Ministre, aux Gouverneurs et aux Bourgmestres – non prévues par la Constitution – ont un contenu dénué de lisibilité et de prévisibilité en l’absence de cadre législatif précis”. 

Ils soulignent enfin l’insécurité juridique dans laquelle cette loi placerait les citoyens : “la rédaction de cet article est à ce point imprécise et incomplète qu’il est malaisé pour le citoyen de déterminer le caractère infractionnel ou non de ses actes ; de plus, les peines prévues sont « à cheval » sur les contraventions et les délits, ce qui ne permet pas de déterminer les délais de prescription ; enfin, rien ne permet d’établir un lien entre les infractions et les peines.  Ces trois défauts majeurs violent les textes de droit international, la Constitution et l’article 2 du Code Pénal, ainsi que le principe de la légalité des peines et des infractions”. 

Et  d’ajouter : “A bien y réfléchir, on peut se demander si les nombreuses imprécisions rédactionnelles de cette loi ne résultent pas d’une volonté délibérée du Gouvernement pour se réserver la plus grande marge de manœuvre possible (...) En effet, on a le sentiment que ce Gouvernement a accordé quelques concessions pour se donner un vernis démocratique, mais il n’a en réalité rien changé à l’économie du projet initial : un pouvoir exécutif fort qui ne s’appuie que sur ses propres experts, qui peut à tout moment porter gravement atteinte aux libertés fondamentales, et qui ne rend compte de son action que tous les trois mois au Parlement, dont on a pu vérifier depuis le début de la crise qu’il est majoritairement acquis d’avance à ses thèses.” 

Les plaidoiries débutent ce mercredi 3 février 2022.

 

Par Thérèse Leblanc, journaliste chez BAM!