Le syndrome du lacet défait

Les tribunes
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En deux tribunes au vitriol ("La loi du plus faible" et "Le syndrome du lacet défait"), Watson nous dresse un tableau peu reluisant, réaliste diront certains, de ce qu'il nous reste de démocratie.

Toi qui es élu comme député ou toi qui accèdes au Graal, choisi comme ministre entre tous, sache que la première chose à apprendre est de savoir fixer des heures durant, le bout de tes chaussures.

Regarde bien les images lors des interpellations et déclarations diverses au Parlement et tu verras que très peu écoutent celui ou celle qui parle à la tribune, trop occupés sur leurs smartphones - gracieusement offerts - ou penchés compulsivement sur un dossier dont ils tournent et retournent, hagards, les mêmes pages…

Et observe particulièrement les ministres lors des interpellations. Ils sont là sur leur petit banc, occupés à tripoter des feuilles, faisant de temps en temps une petite annotation, trop brève pour être honnête. Mais jamais, ou très rarement, ils ne regardent celui ou celle qui les interpelle… Lâcheté peut-être, manque d'assurance probablement, manque de respect certainement !

Peut-être aussi une volonté d'humilier son interlocuteur, de lui faire comprendre qu'il n'a aucune importance ou qu'il raconte n'importe quoi, qu'il n'est pas à la hauteur de sa fonction ou que ses idées n'ont aucun sens…

Se rendent-ils compte dans leurs petits jeux d'entre-soi que derrière la personne qui les interpelle, il y a des centaines voire des milliers d'électeurs. Et donc qu'ils méprisent, par leur attitude, des centaines voire des milliers de citoyens dont ils se targuent à longueur de temps d'assurer la sécurité, le bien-être et l'avenir ? Se rendent-ils compte qu'à cet instant, ils crachent impunément à la figure de centaines ou de milliers de gens qui ont élu leur représentant… Ce n'est pas une seule personne qui s'adresse à eux mais les voix combinées de centaines ou de milliers de citoyens. Un véritable concert. C'est l'essence même de la représentation parlementaire : un seul parle au nom de beaucoup. Enfin en théorie.

Résultat : réponses stéréotypées, sans sens, parfois totalement hors propos, ce qui est logique lorsqu'on n'écoute pas la question et qu'on est aux ordres d'un chef de parti qui t'a dicté LE discours que tu te dois de resservir ad libitum.

Et la plupart des autres suiveurs, avachis sur les bancs de l'assemblée, parfois endormis, penchés sur leur tablette, jouant ou regardant une série, juste présents pour toucher le généreux jeton… Tous ceux-là ne valent pas mieux : presse-boutons également aux ordres, sans opinions et n'entendant qu'un de leurs neurones qui leur souffle : "Si c'est l'opposition qui parle, c'est mal ! Toujours ! N'écoute que moi, ton chef, sinon il t'en coûtera…"

Et qu'on ne m'invoque pas le "travail parlementaire" qui depuis des années ne nous sert que des commissions muselées ne menant nulle part, des projets de loi irréfléchis, bâclés, sans lendemain et des propositions dictées par les lobbies ou les sociétés de conseil.

Triste démocratie que celle-ci.

 Watson


Source photo : ©MichelW

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de BAM!

Tribunes : "La loi du plus faible"