Article 3/3 : Une sécurité vaccinale pavée d’incertitudes

Belgique
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Le vaccin anticovid, ses enjeux économiques et sanitaires ont fait couler beaucoup d’encre depuis le début de cette crise sanitaire. Jamais aucun vaccin n’aura été développé aussi rapidement, puisque les premiers ont été approuvés par l’UE dès le mois de janvier 2021. Or, de nombreuses questions subsistent concernant la stratégie de vaccination, la sécurité de ces vaccins, leur durée très courte de développement, le bien-fondé de la vaccination de masse, le bien-fondé de la vaccination des enfants, le déni des autres stratégies possibles (prise en compte de l’immunité naturelle, autres stratégies de prévention, traitements contre le covid), etc. Près de 6 mois après le démarrage de la campagne de vaccination, il est temps de faire le point sur la situation. C’est l’objet de cette série d’articles sans concession.

DOSSIER « Covid-19 : de la stratégie vaccinale belge au passeport vaccinal »

S’il existe d’autres dimensions de la sécurité des vaccins au niveau de la production et au niveau global, y compris l’environnement, nous allons nous pencher dans cet article sur les risques d’effets indésirables après l’injection. Aucun vaccin n’est jamais parfaitement sûr. Il est impossible de garantir la sécurité d’un produit pour tous, autant pour des produits naturels que synthétiques.

Les quatre vaccins disponibles en Europe, sous couvert d’une autorisation de mise sur le marché conditionnelle, ont suivi un schéma de développement accéléré pour répondre à une situation d’urgence, sous la houlette de l’OMS et des régions/gouvernements. L’UE a estimé qu’il était justifié de prendre un risque mesuré en déployant ces vaccins, sans certitude sur l’efficience ni la sécurité.

Ces vaccins sont tous différents : les données disponibles et les effets sont différents, aussi entre sous-groupes de populations, pour un même vaccin. Chaque vaccin covid est donc plus ou moins sûr en fonction du contexte. Les études à moyen et long terme ne sont pas achevées. Et les demandes d’analyses complémentaires se multiplient au fur et à mesure que les connaissances progressent.

Au passage, il ne faut pas confondre la sûreté avec l’assurance de la qualité, qui consiste à tester et surveiller la chaîne de production ainsi que la composition et l’utilisation du produit. Quand la FDA américaine réagit suite à un problème sur un site de production ou qu’on identifie un problème sur un site de vaccination, cela signifie que le système de contrôle de la qualité fonctionne, même si le développement et la distribution précipités ont augmenté les risques d’erreur. La réaction de certains politiques et médias indique une méconnaissance du secteur de beaucoup, voire un discours hautement politisé de certains. Mais si la qualité des vaccins est contrôlée, cela ne garantit pas pour autant qu’ils soient sans effets indésirables.

Des effets indésirables supérieurs

Les rapports d’études cliniques soumis par les firmes indiquent que tous les vaccins covid induisent des effets, sur le court terme, supérieurs en nombre et en intensité aux vaccins « classiques » sur le marché. Ces effets rapportés lors des essais n’étaient pas atypique et ont été considérés majoritairement “bénins”, c’est-à-dire sans conséquences graves. Mais « bénin » peut être douloureux et ne signifie pas bénin pour tous.

En outre, les risques qui touchent moins d’une personne sur 1 000 sont souvent sous-évalués ou indéterminés pendant les études. Un risque rare de 1/1 000 ramené à l’échelle de la population mondiale peut tout de même toucher 7 millions de personnes ! Pour évaluer la sûreté des vaccins, c’est donc à la minorité qu’il faut s’intéresser.

Les éventuels effets à moyen et long terme, ainsi que les effets rares et indirects, n’ont certainement pas été convenablement évalués, faute de moyens. Car il faut plusieurs années pour évaluer ce type d’effets. Il arrive ainsi qu’un vaccin prometteur sur le court terme soit arrêté ou que ses indications soient limitées, parce que des effets indésirables sont constatés sur le moyen et long terme, parfois indirects, ciblant une sous-population,… C’est ce qui explique par exemple que le vaccin DengVaxia soit enregistré avec des indications restreintes.

Etablir un lien de cause à effet pour un effet rare reste une gageure, surtout après commercialisation. Toutefois, que ces effets n’aient pas été évalués ne signifie pas qu’ils existent : on est là dans l’inconnu.

Une pharmacovigilance essentielle

Vu le statut des autorisations conditionnelles, la « pharmacovigilance » est encore plus essentielle que pour des médicaments habituels. Ce système sert à identifier ou réévaluer au plus vite le niveau de risque, et à formuler des recommandations pour les politiques de santé.

Attention ! Il y a de grandes différences méthodologiques entre pharmacovigilance après mise sur le marché et les études cliniques : ces dernières sont réalisées en conditions contrôlées, elles incluent un nombre limité de personnes, et il y a des critères d’exclusion pour des raisons méthodologiques. La surveillance des effets est active et systématisée.

Ici, les autorités nationales ont la responsabilité de mettre en place et promouvoir la pharmacovigilance. L’Agence européenne des médicaments (EMA) et les entreprises semblent remplir leur rôle, dans un contexte très complexe. Cependant, le risque de pression politique et sociétale sur les agences (inter)nationales ne devrait pas être sous-estimé. Des scientifiques ont relevé ces risques avant la mise sur le marché. Et certaines déclarations interpellent, tant de la part des politiques que de certains acteurs des agences.

La pharmacovigilance aide aussi les médecins à prodiguer les meilleurs conseils à leurs patients, et garantir un consentement libre et éclairé. Tout ce qui met la pharmacovigilance en échec peut conduire à gâcher des vies inutilement.

Un nombre d’effets remontés surprenant

Techniquement, le système de pharmacovigilance des vaccins covid semble fonctionner : le nombre d’effets remontés est surprenant. Comparé à la campagne de vaccination grippale de 2019, à taux de vaccination équivalent, depuis décembre, il y a eu plus de 20 fois plus d’effets remontés aux Etats-Unis, dont plus de 30 fois plus d’effets sévères.

Ces vaccins sont-ils pour autant si risqués ? D’une part, tous les effets remontés ne sont pas nécessairement liés aux vaccins, la proportion d’effets remontés est toujours supérieure dans les premiers mois de la surveillance, ces vaccins sont certainement bien plus scrutés que les autres (par les patients et médecins) et la proportion d’effets est toujours biaisée.

Mais d’autre part, le processus de pharmacovigilance dépend essentiellement de la qualité des données, c’est-à-dire qu’il repose sur la contribution des professionnels de la santé et des patients. Or il est établi que les médecins ont une mauvaise connaissance et perception du système. C’est une des raisons qui a conduit l’Europe à ouvrir la possibilité aux patients de participer au système. Certes, on est encore loin des pays comme l’Australie qui contactent proactivement toutes les personnes vaccinées. La surveillance des réseaux sociaux est considérée comme une piste de surveillance complémentaire.

Ne pas donner prise aux « antivax »

Et ce qui se passe sur les réseaux et dans les médias devrait alarmer les responsables de santé. Beaucoup de médecins et citoyens n’hésitent pas à déclarer ne pas remonter des effets sévères pour ne pas donner prise aux « antivax ». Alors que la sécurité devrait être au cœur des préoccupations, au regard des incertitudes inévitables, les médias traditionnels se font le relais de déclarations qui banalisent la gravité des effets, voir n’hésitent pas à fustiger les personnes qui s’inquiètent de la stratégie vaccinale.

La toute première phrase des notices encourage pourtant chacun à contribuer à la pharmacovigilance. Le Conseil supérieur de la santé a également insisté en avril sur l’importance du diagnostic et de l’escalade des effets indésirables.

Le mot « sacrifice », qui semble désormais accepté par beaucoup, n’est pourtant pas compatible avec le principe de sécurité. Il reste toutefois des personnes pour prendre la sécurité au sérieux et défendre le droit des patients à l’inquiétude.

Possibles implications à déterminer

Vu que ces vaccins sont encore en phase d’évaluation, on en découvre les risques au fur et à mesure. Certains effets associés à des vaccins covid récemment rapportés ont déjà conduit à revoir leurs indications, notamment pour deux des quatre vaccins en Europe. L’EMA ne chôme pas : elle a demandé à chaque laboratoire d’analyser les effets attribués à la protéine Spike (l’antigène cible des quatre vaccins) dans l’infection et ses complications.

Quels sont les risques vis-à-vis des variants ? Les vaccins sur le marché en Europe partagent tous le même défaut : ils ciblent un unique antigène, sujet à une large variation génique. L’expert en vaccins Geert Van Den Bossche a alerté l’opinion sur certains risques. Sa position est alarmiste, mais elle repose pourtant sur des faits connus, tel cet effet de « biais » dans la mémoire immunitaire, influencée pour toujours par la première version des antigènes qu’elle a rencontré. Pour les vaccinés, ceci pourrait influencer la résistance à de futurs variants du virus. Ce genre d’effet semble jouer un rôle dans les variations épidémiques saisonnières de la grippe. Il faudrait alors de nouveaux vaccins avec d’autres antigènes pour enrichir une immunité vaccinale trop étroite.

D’une manière plus générale, l’analyse rétrospective de programmes de vaccination massive a aussi mis en évidence des « effets en cascade » qui n’avaient pas été imaginés.  Cette hypothèse ne semble pas prise en compte dans la vaccination anticovid.

Autre zone d’ombre : des chercheurs ont récemment mis en évidence un effet de la vaccination par le vaccin Pfizer/BioNTech sur l’immunité innée. Ses possibles implications restent à déterminer et les auteurs mentionnent différentes possibilités à vérifier au plus vite.

Au passage, les croyances des autorités sanitaires ne sont pas là pour rassurer : l’injection d’un vaccin entraîne une inflammation, mais quoiqu’on en pense, plus d’inflammation ne signifie pas une meilleure immunisation. De même, de faibles chiffres de positivité (sur base de tests PCR) à court terme ne signifient pas le contrôle de la circulation du virus.

La vaccination, un acte irréversible

Les politiques de santé prennent normalement en compte tant les incertitudes que l’impact global. En d’autres termes, la sécurité globale de la vaccination établit les risques qu’on est prêt à prendre à l’aune des caractéristiques de la maladie, de la population cible, du pathogène et des vaccins disponibles.

Pour cette autre dimension de la sécurité des vaccins, le recul dans le temps est une variable clé. L’agence de santé américaine (CDC) affirme d’ailleurs que « mieux on comprend un pathogène et la maladie qu’il cause, plus le développement d’un vaccin peut être efficient ».

La vaccination est un acte irréversible et les pays qui y ont recours semblent bien prompts à négliger le poids des risques dans leur stratégie de vaccination. La position de l’OMS est plus prudente, invitant à se focaliser avant tout sur les personnes à risque au niveau mondial.

Ces vaccins covid sont-ils sûrs, en fin de compte ? La question est mal posée. On peut seulement dire que ces vaccins sont aussi sûrs que possible au regard des circonstances. Ils sont cependant éloignés des standards habituels. Vu le peu de recul sur ces vaccins, la maladie et le virus, les leçons du passé sont actuellement les seules vérités établies.

On ne peut rationnellement rien en dire de plus, à part se souvenir du premier principe de prudence du traité des épidémies d’Hippocrate : primum non nocere (d’abord ne pas nuire), même si certains mettent beaucoup d’espoir dans la vaccination de populations qui n’ont aucun bénéfice à en tirer, ce qui est pour le moins léger pour défendre une stratégie vaccinale (inter)nationale.