Frank Vandenbroucke: le silence des médias belges

Les tribunes
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Vice‑Premier ministre, ministre de la Santé et figure emblématique du SP redécoré “Vooruit”, Frank Vandenbroucke multiplie les casseroles. Dernière affaire en date: Medista[1][2]. Véritable polar où l’on croise des agents du Mossad ou Deloitte Consulting, Frank Vandenbroucke y joue son rôle de prédilection: l’opacité et la dissimulation. Malgré la gravité des faits, les principaux médias belges restent muets. Emeric s'interroge sur ce silence.

Les révélations de Thierry Gadault et Philippe Engels, dénonçant « la toute‑puissance et l’inefficacité des cabinets de conseil – ici, Deloitte –, conjuguée aux manœuvres des autorités et d’une haute‑fonctionnaire », entachent sérieusement la gestion de la crise Covid par le gouvernement belge. Le dossier de Blast – Des espions dans le Covid[3] – présente, avec en tête d’affiche le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke, une série extraordinaire qui devrait faire la une de tous les journaux du plat pays. Vaccins périmés, manipulations et vidéos, espions israéliens, business logistique médical arrangé pour l’Ukraine,… C’est tellement énorme que les auteurs, dès l’introduction de leur premier article, prennent les paris quant à voir bientôt l’histoire épique sur Netflix !

Et pourtant… Rien ! Quelques débris décomposés flottent à peine sur les courants dominants ; le sujet s’est entièrement échoué au large de nos frontières, sur des plages peu fréquentées. Si l’énormité du contenu de l’investigation a de quoi en surprendre plus d’un, je suis pour ma part avant tout déconcerté de découvrir ce néant. Comment l’expliquer ?

Les articles de Blast établissent le même constat, « […] que les principaux journaux francophones du pays se soient contentés du service minimum sur ce dossier. Et que personne n’ait réellement embrayé, pour lancer des enquêtes », et apportent, au fil du récit, des hypothèses quant à expliquer cet état de fait.

Le ministre VDB a convoqué en décembre dernier, en urgence, une conférence de presse au cours de laquelle les journalistes ont été priés de couper leurs portables. Il aurait interdit à la presse wallonne de poser des questions sur l’affaire Medista. Ça pourrait être une explication : la presse belge est dépendante des aides publiques. Mais ce n’est pas la première casserole qui ferait bouillir les rédac ! Ou a‑t-on épuisé nos journalistes ?! Kazakhgate, Samusocial, Nethys, Affaire du Greffier, Qatargate…  Une plus vieille : Agusta – ça rime avec Medista ! Une suggestion de titre ? « Monsieur Vandenbroucke, peut‑on brûler des vaccins périmés ? ». Allez, il n’y a plus qu’à !

Seconde hypothèse : le manque de mordant. Un sujet trop difficile à résumer en première page. « Car le personnage clé de cette folle histoire est un pilier majeur de la coalition unissant dans la douleur la gauche, la droite, les écologistes et une partie des centristes, face à la menace séparatiste et extrémiste. Car il s’agit d’un Flamand accusé de favoriser une firme française. Et parce que les principes mis en cause sont très symboliques : la transparence, l’honnêteté, le respect des institutions ». Le syndrome de la Macronie ; les français ont voté contre Marine Le Pen en élisant leur président, nos journalistes belges s’engagent pour nous. Il vaut mieux ça (et donc laisser pisser en regardant ailleurs) que donner (encore !) du grain à la N‑VA (la députée Kathleen Depoorter monte au créneau) ou au Vlaams Belang. Merci les gars d’avoir choisi, de la peste ou du choléra, pour nous. Et bienvenue en enfer ! Ce manque manifeste de courage et d’imagination nous enferme dès lors dans un modèle (pseudo)binaire dont les seuls accessibles demeurent la servitude avec ou sans dignité – dignité qui demandera, comme beaucoup du reste, à être redéfinie.

Frank n’est cependant pas qu’un pilier majeur de la coalition, il est aussi un pilier du narratif Covid de notre pays. Des vaccins périmés ?! Quelle histoire ! Non, non, attendez, il y a un problème : je vous rappelle qu’il n’existe aucun monde entre celui des mesures incontestables de crise et la fachosphère complotiste ! Et qu’aucun média mainstream n’est à ce jour disposé à un mea culpa. Invitons dès lors leurs représentants à (re?)lire la chronique d’Alexander Neubacher (responsable rubrique Opinion & Débat du Spiegel) : Wir Coronaversager[4] (qu’on pourrait traduire, de l’allemand, par Nous les Corona‑perdants), de 2023. Inspirant, non ?! Mais je m’égare… Ou pas. Il n’est pas de terre plus fertile au conspirationnisme  que le désert ; l’anesthésie administrée aux sujets Covid – étude sérieuse actualisée des effets positifs et négatifs de la vaccination (nous étions gavés de chiffres Siensano pendant la crise !), mise en perspective des montants perçus de l’industrie pharmaceutique par nos acteurs de plateaux (« experts »), précision des missions exécutées par les cabinets de conseil (comme Mc Kinsey en France, les mêmes qui ont construit notre Pacte d’Excellence ?!), SMS Gate  (ou Ursula Gate, comme le titre du livre à paraître de Frédéric Baldan), l'Accord mondial sur les pandémies[5] (Jutta Pinzler et Tatjana Mischke ont réalisé un excellent documentaire ARTE en 2017, « L’OMS : dans les griffes des lobbyistes ? »),… – est accablante. A minima suspecte. Ces silences, ces non‑dits, sont les bornes de l’autoroute de la pensée. Je ne doute pas qu’elle soit pavée de bonnes intentions ! La destination s’entrevoit, elle n’est pas heureuse…

 

Emeric


Les opinions exprimées dans cette tribune n’engagent que la responsabilité de son auteur et ne représentent pas nécessairement celles de BAM!

Chapô et illustration de BAM!

[1] BAM! News - Vas‑y Franky, c’est bon !!!

[2] BAM! News - Lanceur d’alerte #6 - Frank Vandenbroucke - Medista

[3] Des espions dans le Covid | Dossier

[4] Verbote in der Corona‑Pandemie: Wir Corona‑Versager – Kolumne - DER SPIEGEL

[5] L'accord mondial sur les pandémies en bref - Consilium