Lettre à tous les belges ?

Les tribunes
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A l’occasion de notre fête nationale, le Premier Ministre s’est fendu d’une "Lettre à tous les Belges"[1].
S'agit‑il d'une lettre adressée à tous les citoyens dans le cadre d’une célébration nationale, ou d'un discours adressé à ses électeurs en prévision des prochaines élections ?
Pietje Schramouille nous offre son analyse.

Le hasard fait bien les choses, j’ai rencontré le 21 juillet Alexander et son club de sinistres et « secretoches d’état » dans le Parc Royal. Il est sympathique, son langage non verbal est en cohérence avec son propos mais aussi son écoute est réelle. Donc, une volée de bon points mon gars.

Quelle (mauvaise) surprise de découvrir sa lettre ouverte aux belges the day after.

La forme

Tout d’abord, cette bafouille sort le 22 juillet en évoquant la fête nationale. Première anomalie. Le congé politique ne permettra rien. Nous recevons une patate chaude dont nous, population, ne savons absolument rien faire. Les “politichiens” s’en occupent à leur retour, soit mi‑septembre. Heureusement que le ridicule ne tue pas.

Ce cri du cœur est étiqueté VLD et non du 16 rue de la Loi. Curieux de zapper le président du parti Egbert Lachaert qui aurait pu co‑signer ce courrier. Deuxième bazar curieux de dénoncer de la part d’un premier. Pas très chic pour son équipe de la rue de la Loi.

Il entame sa lettre ouverte en nommant d’abord les femmes donc chères belges. Pas un souci pour moi mais c’est clairement un choix. Qui peut froisser les burnés puis aussi le mouvement LGBTQIA+. Troisième bricole.

Alexander s’adresse aux belges. Au 01/01/2023, la population belge se composait comme suit : 65,5 % de Belges d'origine belge, 21 % de Belges d'origine étrangère et de 13,4 % de non‑Belges. C'est ce que montrent les chiffres de Statbel, l'office belge de statistique. Donc un lecteur sur 3 pourrait s’estimer non concerné. Le mot compatriotes aurait été plus adroit. Quatrième chose bizarre.

Et il signe Alexander. De manière certes sympathique mais votre banquier, il ne signe pas par son prénom. Manoeuvre un peu surprenante. A la prochaine rencontre, je lui claque la bise, un main au service trois pièces et un bon Alexanderrrrrrr puisqu’il revendique un rapprochement amical. 5ème floche.

La photo choisie est sobre mais le sourire est sarcastique, bloqué et niais. Il n’a toutefois pas mis de cravate mauve, signe distinctif des Young Global Leader. Un fond dynamique avec une image d’une Belgique joyeuse aurait pu aider son propos. 6ème remarque.

Le fond

Comme on sait que ce genre de message est ciselé par une forêt de pseudos spécialistes, j’analyse en qualité de publicitaire et de copywriter. En communiquant, l’auteur n’est pas responsable de ce qu’il dit mais bien de la manière dont c’est compris.

Ce bon vieux Socrate conseillait in illo tempore de passer chaque information par trois tamis. Une première question, est‑ce ce que je vais dire est vrai ? La deuxième, est‑ce ce que je dis, va-t‑il pour nous, belges, être bénéfique ? Et enfin, sera‑ce utile ? Clairement, c’est non pour les deux dernières questions.

Évoquer le problème de la particratie, c’est une insulte à l’intelligence collective. C’est évident comme le nez au milieu d’une figure. C’est dénoncé par la Belgique entière mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La crise Covid et sa gestion chaotique a accéléré ce syndrome. Le déni politique, le sentiment d’impunité et le fossé entre les dirigeants politiques est devenu abyssal.

Les disputes politiques sont évidentes même au sein de familles politiques. La guerre Reynders/Louis fait rage depuis des années. Le combat socialiste entre Liège et Charleroi est permanent. Nos amis les “Escrolos” se tirent dans les roues de bicyclettes. Le dénoncer est d’une naïveté incroyable et une reconnaissance naïve. Toutes les tensions sont boostées par les réseaux sociaux. Twitter qui est le réseau number one chez les politiques n’est qu’un champ de mines politiciennes.

Le premier met en exergue le défaitisme de nos compatriotes sur l’avenir de notre pays. Même imaginer que nous ne passerons pas le cap du bicentenaire est régulièrement  évoqué. Ghandi avait dit : « Montrer l’exemple n’est pas un moyen de convaincre, c’est le seul ». Alors montre l’exemple mec. Affirme-toi comme chef de ton bac à sable.

Dans ta lettre, il n’y a pas de promesses mais aucun embryon de solution. Il ne faut pas avoir fait Sciences Po pour comprendre qu’en filigrane et suite au lamentable échec des dernières négociations, le seul suspect, c’est Georges‑Louis Bouchez. Etant incapable de régler ce problème alors que les deux hommes font partie de la même famille politique. Lave ton linge sale dans ta famille libérale pas dans une lettre limite délatrice à ta population.

Quel formidable désaveu

Je n’ai pas le souvenir d’avoir lu un message aussi misérable dans la reconnaissance d’un dysfonctionnement politique. C’est consternant de voir qu’à aucun moment, vous vous approchez du mot pardon. Ce serait dangereux de montrer une faiblesse pourtant évidente. A la lecture de ce courrier, on pense juste que notre Alexander est au bout de son scotch.

Vous parlez d’une politique que nous méritons. Mais mon bon Alexander, nous exigeons cette politique. L’empathie globale du monde de nos dirigeants est quasi en négatif donc totalement inexistante. La gabegie financière est scandaleuse. La transparence est opaque.

Cette lettre est un aveu d’impuissance avec aucune perspective. C’est une manœuvre de position pour les prochaines élections. Ce gouvernement est une ineptie car formé par tous les partis perdants. Vous avez été choisi au sein de la famille politique la moins représentée. C’est surréaliste.

Pas une once de solution. Absolument rien. C’est édifiant. Comme quoi dans le népotisme, le talent saute souvent une génération.

Je comprends votre lettre ouverte comme étant une démission scénarisée. Cet acte posé au départ des vacances de tous est d’une lâcheté incroyable. Cet homme est un pompier pyromane. Il met le feu discrètement. Il abandonne celles et ceux qui vont devoir l’éteindre. C’est ahurissant de bêtise. J’imagine bien qu’Alexander ne veut pas être aux commandes d’un pays qui par à vau l’eau. C’est ce même homme qui avait provoqué en 2018 la chute du gouvernement Michel. Ce garçon a la mémoire courte.

J’accepte votre démission. Nous allons nous débrouiller seuls.

Pietje Schramouille


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de BAM!

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https://www.flickr.com/photos/datainnovation

  

[1] Lettre à tous les Belges - Open Vld