Rafle post-manifestation dernier jour de janvier 2021

Tribune
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Je faisais partie de la rafle post-manifestation qui a été opérée par les forces de l’ordre ce dimanche, dernier jour de janvier, aux alentours de 15h30, aux pieds du Mont des Arts.  A toutes fins démocratiques utiles, je voulais vous en rapporter le témoignage.

Je voudrais commencer par préciser que je n’ai vu aucun des supporters de foot dont la presse a fait état parmi la petite centaine de manifestants, mais cela est certainement imputable à mon acuité visuelle plus que déplorable, heureusement contrebalancée par ma finesse d’esprit.  En effet, tous ceux que j’ai côtoyés sur le pavé de l’esplanade du Mont des Arts étaient de fervents supporters de la démocratie qui, si elle est en passe de devenir un mythe, n’est pas encore une équipe de foot.  Dans toutes ces petites gens brandissant des calicots de papier maché, j’ai vu de grandes personnes dégainant leur courage pour montrer du doigt les dérives totalitaires qui, sous couvert de salubrité publique, font rage.  Ainsi, le mot liberté a-t-il été écrit, placardé, hurlé, chanté, et dansé même… 
Je mets ma main à couper que, sous peu, ce terme sera expurgé des nouvelles éditions de Robert et Larousse, pour le bien de tous et surtout des plus vulnérables.   

Des échanges que j’ai eus avec les personnes présentes dans cette petite foule sentimentale, il ressort que ces hommes et ces femmes ruminent depuis de longs mois des paradoxes nés de l’attitude des hautes sphères étatiques qui ne tournent plus très rond puisque, faut-il le rappeler, afin de protéger la population du risque de contagion d’une maladie dont le taux de survie est, peu ou prou,  de 99,89% chez une personne en bonne santé, l’Etat a promulgué des décrets qui restreignent les libertés fondamentales que la constitution belge garantit sans prévoir aucun cas de restrictions de ces dernières.  Autrement dit, le gouvernement (dont chacun des membres a fait serment de respecter la constitution et les lois du peuple belge) a édicté des décrets qui n’ont même pas valeur de loi, et qui sont en opposition avec la Constitution belge qui ne prévoit aucun cas de suspension des libertés fondamentales du citoyen.  Pardon pour ces redondances, mais je dois le réécrire pour le croire : la démocratie est devenue un paradoxe puisqu’elle nous confère des droits que nous ne pouvons exercer pour le bien de tous et surtout des plus débiles (au sens de vulnérables, cela s’entend).  Qui eût cru que de vulgaires fauteurs de troubles tels que moi et mes camarades manifestants puissent révéler un paradoxe d’une telle ampleur?  Aucun grand nom belge, ça c’est sûr. 

Quant aux forces de l’ordre présentes en ce dernier jour de janvier 2021, elles furent, à leur corps défendant, la parfaite incarnation des meilleures intentions paradoxales à notre égard.  Effectivement, à en juger par leur harnachement MadMaxique et au vu de la tension grimpante produite sur nous par leur chorégraphie de ronde encerclante toujours plus réduite, l’inquiétude grandissait en nos fors intérieurs concernant la violence dont ils auraient pu faire usage à notre encontre.  Pourtant, force est de constater qu’au moment de nous maîtriser, les colsons étaient lâches derrière nos bons dos et les regards casqués étaient compatissants, rassurants, voire complices, au moment de monter dans le bus affrété spécialement pour nous emmener aux casernes d’Etterbeek.  Le trajet, sous escorte motarde s’il vous plaît, fut ponctué par nos remarques enjouées à l’adresse du chauffeur qui avait l’autorisation de passer au rouge.  Pour ma part, je gardai les mains derrière le dos, plus par mon propre consentement que par les liens qui entravaient mes poignets et certains autres de mes camarades s’étaient déjà libérés sans être rappelés à l’ordre par les agents de police présents.  Même si nous ne savions pas à quelle sauce pénitentiaire nous allions être mangés, les seuls cris qui fusaient étaient les nôtres, souvent ponctués de rires de surcroit. 

Une fois arrivés, nous avons été libérés de nos liens et placés dans des cellules collectives sans avoir fait l’objet de fouilles ou de confiscation de nos biens personnels.  Je dois dire que la cellule, sans fenêtre aux murs de blocs de béton brut et au plafond surmonté de deux minables filaments infra-rouges faisant office de chauffage, m’a semblé pour le moins spartiate et indigne des 48% d’impôts que je verse à l’Etat depuis de nombreuses années.  Et je ne vous parle pas des spots, dont le citoyen moyen n’équiperait même pas sa plus belle cave.  Je conçois parfaitement les visées dissuasives qui régissent ce décor inhospitalier, mais comme une de mes co-détenues  le faisait remarquer à grands cris, la cellule de Marc Dutroux est chauffée, elle...  Notre détention dura quelques 4 heures et j’y appris des choses très utiles, à savoir qu’il est beaucoup plus efficace de crier « je dois faire caca » plutôt que « je dois faire pipi » pour qu’une escorte se présente jusqu’au petit coin.  Que durant les longues heures mises à profit pour réfléchir sur ses actes, le taulard se voit ravitaillé d’une bouteille d’eau et d’une gaufre au sucre.  Au-delà des questions logistiques, j’ai surtout réalisé à quel point l’enfermement est traumatisant car assez vite, plusieurs femmes de ma cellule perdirent patience et se mirent à frapper à grands coups de pied, de main et de gueule contre la porte tôlée de notre geôle.  Heureusement, celles d’entre nous dont le capital patience n’avait pas été entamé ont pu les rassurer et ramener le calme, mais je n’ose imaginer ce qui se produit si ce genre de tension ne parvient pas à être endigué.  

A l’issue de quatre longues heures de cette patience qui fait décidément partie du jeu, chacune d’entre nous a été amenée, sous bonne escorte individuelle, à la prise de photo « usual suspect » ainsi qu’à la signature du bon d’entrée et de sortie qui marque à jamais le dossier de notre citoyenneté paranormale.  Durant ces derniers actes administratifs, je devisai avec les policiers qui étaient proches de moi dans la file des détenues escortées, et je ne décelai jamais chez eux un quelconque jugement négatif à mon égard, ni à celui de mes camarades.  Pour terminer, nous fûmes ramenées en bus à l’endroit où nous avions été raflées quelques heures plus tôt. L’ambiance était bon enfant, aucun traumatisme ne planait à l’horizon et le policier encadrant, en concertation avec le chauffeur, effectua plusieurs arrêts intermédiaires à la meilleure convenance des passagères qui le souhaitaient.  

La morale de cette histoire, c’est qu’il faut s’armer de patience et si celle-ci vous fait défaut, n’allez pas aux manifestations de masse qui sont légitimes mais peuvent tourner en sucette et en cachotteries superposées.  Pour autant, ne renoncez jamais à manifester votre désaccord par un slogan, un logo ou une citation subtilement disséminés dans votre accoutrement et/ou équipement habituel, car il est absolument vital que nous exprimions le fait que le consensus sanitaire n’est qu’une propagande orchestrée par l’Etat.  Ce pseudo-consensus ne reflète pas l’avis de la majorité des citoyens qui souhaite que les décisions soient prises sur la base de réels débats qui confrontent des points de vue divergents, et non pas d’intérêts convergents et partisans comme c’est le cas actuellement. 

 

Par Salvatrice


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