Année 2020, année du « SANS »

Les tribunes
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Résumons : L’année 2020, an 1 de l’ère Covid, a été une année incroyablement et extraordinairement créative.

En 2020, on a inventé la conversation sans sujet (autre que covid), la machine à café du bureau sans collègues - sans café donc -, la réunion sans présence, le contrat de vente sans poignée de main, le printemps sans sortir de chez soi, les courses sans faire les courses, le carnaval sans Gilles de Binche.

On a inventé l’apéro sans amis (mais avec «images d’amis» sur Zoom), le dîner sans convives, l’anniversaire sans invités, le restaurant sans cuisinier, le spectacle sans spectateurs, le match de foot sans supporters, la librairie sans flânerie, le concert de Nouvel An sans public.

On a inventé les élèves sans professeur (mais avec «image de professeur» sur Zoom), les cours universitaires sans université (mais avec «image d’université» sur Zoom), la vie universitaire sans folklore, la consultation médicale sans aller chez le médecin, les mariages et les enterrements sans famille, la visite aux vieux parents sans se toucher, et, pour les petits, l’apprentissage de la lecture sans voir les lèvres de l’institutrice.

Ce n’est pas tout. En 2020, notre créativité a réellement atteint des sommets.

En 2020, il y a eu les vacances au ski sans remontées mécaniques, les sorties shopping sans copines (mais avec masque obligatoire, ouf), la «saison» de l’opéra sans opéra (mais avec plateforme, ouf),
la neige dans les Fagnes sans accès aux chemins de promenade, l’air marin de la Côte belge sans nez
ni bouche pour le respirer.

En 2020, nous avons aussi inventé d’inédites et désopilantes institutions démocratiques, comme le débat parlementaire sans débat, les questions en conférence de presse sans questions contradictoires,
les décisions ministérielles sans appel, la démocratie sans pouvoir législatif (mais avec arrêtés ministériels) (beaucoup d’arrêtés ministériels) (beaucoup beaucoup).
On y a ajouté la liberté vaccinale sans choix possible (mais avec chantage au civisme), l’information sans éclairage, sans impartialité, sans objectivité (mais avec «sensibilisation») et on a créé «jemevaccine.be» sans «jenemevaccinepas.be».

Oui, vraiment, en 2020, notre créativité a été d’une puissance phénoménale. Qu’on en juge par des inventions comme: la liberté d’opinion sans espace pour l’opinion, la liberté d’expression sans manifestation autorisée (mais avec répression) (beaucoup beaucoup de répression), la liberté d’aller et venir sans pouvoir sortir de chez soi, la libre circulation sans pouvoir sortir du pays, le droit à la santé sans être sûr de pouvoir se faire opérer.

Et comme on se sentait puissamment en veine d’inspiration, on a aussi inventé la culture sans vie culturelle, la vie professionnelle sans rencontres et sans déplacements, le civisme sans collectif,
le vivre-ensemble sans vivre ensemble, l’humanité sans aller vers l’autre (dans le strict respect
des mesures sanitaires), la vie sans la vivre.

En 2020, on peut dire qu’on a transformé le monde d’une façon incroyablement constructive. Grâce à notre talent, le monde est devenu un monde meilleur, avec ses nouvelles règles sans cohérence,
ses nouveaux gestes sans beauté, son passé sans mémoire, son présent sans joie, son avenir sans projet. Un monde sans sens. Quelle victoire!

Dommage qu’on ne soit pas arrivés à inventer un monde sans virus.

Mais on va sûrement y arriver.

En 2021.

Ou peut-être en 2022.

A moins qu’il ne faille attendre 2030?

Ou 2050?

Il n’y a pas le choix?

Il y a le choix.

 

Par Balkis


Post Scriptum : à la lecture de cet article, si vous aussi, vous avez pensé à d’autres «sans» inventés au cours de l’incroyable année 2020, écrivez un article et envoyez-le à BAM!

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celle de BAM!

Source photo :
https://www.qwant.com

Categories : Balkis

Balkis

Enseignante en Lettres anciennes, je cherche à transmettre à mes élèves des connaissances et une sagesse venues de loin ; j’essaie de leur ouvrir des portes, de les éclairer, de leur montrer comment élargir le champ de leur conscience. J’aimerais les voir devenir des femmes et des hommes honnêtes, résolus, tolérants, aimants, lucides. Je pratique la mosaïque, que je vis comme l’art de rassembler ce qui est épars, pour créer l’unité. L’assise zen habite mon quotidien et l’irrigue. Le zen, c’est l’art d’observer le rien en se laissant traverser par les siècles, en les écoutant respirer. Je me sens intensément vivante, créatrice, et je chemine, en recherche constante de Beau, de Vrai, de Juste. Contre toutes les formes d’obscurantisme, contre tout ce qui voile la lumière, je me sens militante et engagée. J’aime les oiseaux, leurs chants, leur légèreté, leur liberté. J’essaie de me rappeler chaque jour qu’ils vivent dans le Souffle, un univers sans murs, sans portes, sans cloisons, qui est aussi le nôtre.