Propos de saison

Les tribunes
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Hippolyte Wouters, avocat et auteur, observe avec une pointe d'ironie le comportement des hommes politiques face aux énigmes de leurs contradictions.

Avons‑nous des hommes politiques intelligents et capables ? Cela est certain !

Si l'on a la chance d'en connaître ou d'en rencontrer un, il nous impressionne souvent par la sagesse de ses propos, la fermeté de ses résolutions, la force pénétrante de ses vues et l'ouverture de son esprit.

Mais lorsqu'il nous quitte pour retrouver ses confrères en politique, cette intelligence - intacte - paraît soudainement se consacrer tout entière à un vaste jeu de société dont les règles et les rites échappent à la fois à notre contrôle et à notre entendement.

Et les périodes dites électorales en exacerbent la manifestation.

Ils discutent et on ne comprend pas sur quoi, ils se méfient et on ne sait pas de quoi, ils s'aiment, ne s'aiment plus et s'aiment à nouveau, et l'on ne sait pas pourquoi.

Ils ergotent, complotent, plastronnent, fouronnent, caucusent, bocusent, louvoient, entreloupent, ratiocinent, stigmatisent, caressent, prébendent, entrent, sortent et disent même la vérité, fût‑ce pour mieux tromper leur interlocuteur.

Et ils puisent souvent les principales ressources de leur activité dans la recherche d'une solution de problèmes qu'ils étaient parvenus à créer de toutes pièces.

On dirait qu'ils ont inventé un jeu dont ils gardent jalousement les règles mais qui ressemble à un curieux mélange de Stratego, de colin‑maillard et de poker menteur.

En tout cas, cela fait plus souvent penser à une partie d'échecs qu'à un jeu de réussite !

Le citoyen a bien entendu le droit de savoir, via les médias, que ces joutes ont lieu, mais comme tout cela se joue à bureaux fermés, les commentateurs nous en parlent plus qu'ils ne nous en disent.

Le vote que régulièrement l'on nous invite à émettre ne nous permet ni de changer les joueurs ni les règles du jeu.

Cette aboulie en circuit fermé n'est pas que stérile : elle est délétère ! Et elle s'insinue sournoisement dans les différents corps de l'État, traditionnellement stables et rassurants pour la sécurité des personnes et des biens.

J'en prends pour exemple le pouvoir judiciaire, qui malgré la qualité de ses membres, est en état de totale décomposition.

Accablés de charges, mais bien souvent frustrés des contreparties qu'elles sont censées nous fournir, cernés de comités et de "conseils" dont on devine mal la raison d'être et l'utilité, invités à être civiques mais de facto privés de patriotisme (sauf quand un Belge gagne une course ou un match), nous avons d'autant plus peur que nous ne savons pas à qui la crier. Et nous nous claquemurons dans un égoïsme étriqué et dénué de tout idéal collectif.

Les politiciens mettent en garde le peuple contre les extrémistes ; comme ils ont raison ! Et ils ne se rendent pas compte que c'est leur comportement qui jette le peuple dans les bras de ces derniers.

Est‑ce vraiment rêver que d'imaginer des hommes politiques qui allient bon sens et rigueur et qui mettent autant leurs qualités au service de leur pays que de leur région ?

Et surtout, surtout, de ne pas devoir leur répondre lorsqu'ils vous demandent le chemin : "Vous ne trouverez pas, c'est tout droit."

Hippolyte Wouters


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celles de BAM!