Essentiel(le) ou Non Essentiel(le)? Telle est la question.

Tribune
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On a beaucoup parlé d’artistes morts sur la RTBF ces derniers temps: Simone Signoret, Marguerite Duras, Serge Gainsbourg, Fernandel… A un tel point que je me suis dit: pour qu’on parle d’un artiste à la RTBF, il faut qu’il soit français et mort.
Des artistes fantômes… A l’image des artistes aujourd’hui: invisibles depuis un an, suspendus aux décisions surréalistes des Comités de concertation qui ont décrété que les artistes resteraient des fantômes.

On doit reconnaître que depuis le début de la crise, la RTBF s’est rappelée qu’elle avait une mission: promouvoir les artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Spectacles sur Auvio, semaine du film belge, Belgium Music Week…

Les artistes qui se font dégommer la tronche depuis un an devraient donc se réjouir d’occuper enfin les antennes de leur télé nationale.
Il a fallu une crise mondiale pour que cela ait lieu, mais soit.
De plus, dans une période où la culture ne diffuse quasi rien si ce n’est des livres, des expos et de la musique digitale, c’est un peu comme mettre une compresse sur une jambe cassée: la blessure reste vive et se gangrène.

Dans les arts vivants, les créations et les tournées tombent les unes après les autres ou sont reportées en 2030 avec un peu de chance. Dans l’audiovisuel, les producteurs en sont réduits à foutre à la poubelle des films qui ont demandé des années de travail car il y a tellement de productions en attente de sortie que l’embouteillage devient ingérable ; les musiciens qui ont toujours été les plus mal lotis et les plus pauvres sont littéralement en train de crever; et pour finir les artistes qui n’ont pas droit au chômage, eux, se sont transformés en zombies affamés.
Garder son droit au chômage ou l’obtenir est pire qu’un sacerdoce ou un combat rapproché, et sur les 30 millions d’Euros d’aides annoncés par la Ministre de la culture, seulement 8 ont été distribués (musées compris).
Un carnage…

Alors oui, on est en droit de se poser des questions, de les gueuler même jusqu’à devenir aphone.
Pourquoi continuer à confiner des secteurs saignés à blanc, livrés à eux-mêmes, sans date certaine
de réouverture?

Pourquoi l’Etat prend-t-il la décision d’asphyxier tout un pan de la société?
Pourquoi les avions sont-ils plus essentiels que les salles de spectacle? Pourquoi les cinémas sont-ils plus dangereux que les métros?
Peut-on m’expliquer pourquoi le gouvernement accepte que la Rue Neuve ressemble à une artère de Tokyo en heure de pointe et que le Mac Do continue de distribuer sa bouffe merdique qui bousille l’immunité, alors que les restos sont fermés, que les gens ne peuvent pas embrasser leurs aînés, voir leurs amis ou faire la fête?

C’est bien une décision politique. Les politiques ont peur… Notre monde politique cultive la peur pour gouverner et nous confine pour éviter la saturation des hôpitaux.
Hôpitaux qu’ils ont eux-mêmes désinvesti pendant de longues années.
Aujourd’hui les urgences psychiatriques sont saturées mais ça n’a l’air d’emmerder personne. Les gens deviennent fous, se suicident, tombent en dépression, deviennent anorexiques, boulimiques, violents ou s’éteignent par désespoir, sans que nos gouvernants se disent qu’on est face à un problème d’urgence nationale.
Pourtant, nous les «non-essentiels», nous pourrions faire quelque chose pour que la population ne sombre pas dans les affres de la dépression…
NON ESSENTIEL
Dans notre magnifique société néo-capitaliste, nous sommes devenus non-essentiels.
Déjà avant, nos politiciens s’en tamponnait l’oreille avec une babouche, mais là c’était dit, acté, gravé dans le marbre.
NON ESSENTIEL
L’art, la beauté, le théâtre, la danse, la musique, le plaisir d’un dîner entre potes, d’une bière dans un bar, d’une soirée dansante, tout ça: NON ESSENTIEL.

Les médias n’ont jamais soulevé ni la violence, ni l’absurdité de cette classification humiliante qui colle à la peau des «non-essentiels».
Essentiel ou non-essentiel par rapport à quoi? A qui?
Une expression qui s’incruste au sein des consciences et qui creuse son nid.
Une partie de la société serait donc devenue inutile, insignifiante, non importante…
Tandis que l’autre partie passe sa journée masquée ou devant son ordinateur, ou seul face à la mort.

Alors je pose une dernière question : est-ce que la politique telle qu’elle est menée aujourd’hui est essentielle, elle?

Cette folie autoritaire interminable et bouffonne est-elle essentielle?
Des mesures liberticides inédites, des mesures coercitives qui finissent de vider notre portefeuille, un alarmisme défiant toute sagesse, une politique de santé qui prévoit de vacciner 70% de la population pour permettre aux gens de se rassembler… Alors que 99% de la population échappe aux formes graves du Covid… Des centaines de milliers de personnes jetées dans la précarité et la dépression…
Cette politique est-elle vraiment essentielle?

On pourrait me reprocher de chercher un bouc émissaire. Mais comment accepter que les gouvernants aient dans le passé appliqué une politique qui creuse les inégalités, dévitalise notre système de santé, détruit la nature… et qu’à présent ils prennent des décisions aggravant la crise économique de façon inédite, accélérant la numérisation de la société à toute vitesse, étouffant la société par des confinements successifs sans avoir préalablement analysé la balance bénéfice/risque?

Certains m’ont dit qu’ils ne voudraient pas être à la place des hommes et des femmes politiques qui décident en ces temps de crise.
Alors d’abord, ils sont payés pour ça: ils ont choisi leur job comme moi le mien.
Et moi je veux bien donner ma place de non-essentielle à un politicien ou une politicienne et aller faire un peu de politique, ça renflouerait mon compte en banque et ça me permettrait peut-être de comprendre comment on en est arrivé là.

Et pourquoi pas un comité de concertation d’artistes qui décrèteraient que le métier d’hommes et de femmes politiques n’est pas essentiel, juste pour voir leurs tronches. On va me dire: ça n’existe pas des femmes et des hommes politiques non essentiels. Et pourquoi pas?

Et si… Allez je lance une idée folle : et si on vivait avec le virus?
Si on vivait avec le risque? Si on vivait avec la mort? Sans qu’elle devienne un gros mot.
On ne peut pas constituer nos vies avec un amas de trouille.
Les artistes sont là justement pour défier la peur et la transformer en joie, en réflexion, en contemplation.

On n’est pas obligé de rester docile, quand on voit de la folie, on n’est pas obligé de collaborer à de la folie.
On est libre de raisonner de réfléchir, de s’informer, de se déplacer, de se rassembler.
On est libre aussi de ne pas accepter que l’Etat entre dans une logique de peur.
Mobilisons-nous, soyons offensifs, mettons la pression, allons parler à ceux qui prennent les décisions les yeux dans les yeux pour qu’ils les ouvrent.
Engageons-nous.
Arrêtons la destruction de la société et du tissu social.
Stoppons le “quoi qu’il en coûte” qui va coûter aux générations prochaines.

Et préparons la fête géante qui nous attend.

 

Par Valérie Lemaître


Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celle de BAM!

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