Open Pharma: les curieuses donations des firmes pharma à Sciensano

Revues de Presse
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"Subvention de 25.000 euros de Pfizer, sponsoring de 34.000 euros de MSD, pourquoi l’institut au cœur de la gestion de la crise covid a-t-il touché de l’argent du privé ?"

"Au hasard des recherches dans la base de données d’Open Pharma, un nom tape dans l’œil : celui de l’institut de santé publique Sciensano. Pourquoi cette administration fédérale, chargée notamment du suivi des crises sanitaires, percevrait-elle de l’argent des firmes pharmaceutiques ? Entre 2018 et 2020, le centre de recherches a perçu un peu plus de 103.000 euros du secteur pharma, sous diverses formes. C’est en tout cas le montant qui apparaît lorsque l’on regarde le registre officiel de transparence, dans lequel l’industrie a l’obligation de notifier les avantages octroyés aux organisations des soins de santé."

"Au total, neuf firmes déclarent avoir versé des primes à l’institut. Et certaines transactions interpellent. D’abord, une donation de 25.000 euros, en 2020, de la société Pfizer – dont on ne présente plus le vaccin contre le covid. Un don, vraiment ? Contactée par Le Soir, la firme de Puurs rectifie le tir. « Pfizer n’accorde aucun don ou subvention à Sciensano. Ce chiffre est dû à une entrée manuelle incorrecte dans le système et sera corrigé. » Mais ce montant ne sort pas de nulle part. Il a permis le financement d’un projet de recherche sur les différents types d’infections à pneumocoques, explique Sciensano. « Il s’agit d’un projet de recherche de type “Investigator Initiated Research”. Cela implique que nous avons conçu le projet et que nous avons ensuite proposé au secteur privé de le financer. Sans ça, nous n’aurions pas été en mesure de réaliser cette étude en raison des ressources limitées disponibles dans le secteur public. Pour nous, mener notre recherche en toute indépendance est évidemment une condition non négociable. Voilà pourquoi le partenaire financier ne joue aucun rôle actif dans la conception expérimentale, ni dans la collecte des données, ni dans l’analyse des données, ni dans les conclusions. Afin d’exclure tout conflit d’intérêts, nous avons proposé ce projet aux trois firmes concurrentes (Pfizer, GSK et MSD) qui vendent des vaccins contre ce pathogène, dont deux (Pfizer et MSD) ont accepté de financer chacune 50 % du projet. » Ce financement de MSD n’apparaît pourtant pas dans le registre pour l’année 2020."

"Des cochons ou des hommes"

"Autre cas de figure. En 2019 cette fois, MSD prétend avoir versé 34.000 euros de sponsoring pour un événement organisé par Sciensano. Mais ici encore, la firme plaide l’erreur. « Il s’agit en fait d’un essai clinique mené par l’unité porcine de MSD Animal Health, et non d’un événement sponsorisé. Ceci est incorrectement encodé dans le système », assure MSD, qui s’engage à faire les modifications nécessaires dans le registre en ligne. Curieusement, les justifications fournies par Sciensano sont dissonantes. Selon l’institut, ce montant est un nouveau coup de pouce à la recherche. Cette fois, l’administration a fait appel à des fonds privés pour financer une étude sur le rôle du papillomavirus humain dans les tumeurs de la tête et du cou. Et Merck a ouvert son portefeuille. « La firme n’a eu aucun rôle dans le travail scientifique, ni dans les conclusions. Elle reçoit exactement la même chose que le monde scientifique entier, c’est-à-dire les articles scientifiques », reprend la porte-parole de Sciensano."

"Enfin, plusieurs firmes déclarent avoir réglé les droits d’inscription à des colloques au profit de membres de Sciensano, pour quelques milliers d’euros. Mais là encore, il s’agit… d’une erreur. Ces dépenses auraient dû être encodées dans la sous-catégorie « sponsoring d’événements », car elles permettent à Sciensano d’organiser son séminaire annuel sur les maladies infectieuses. « En retour, ces firmes peuvent installer un stand à l’événement et elles bénéficient d’une publicité dans le carnet du programme, comme de coutume dans beaucoup de congrès », commente l’institut. Avant de conclure que ces appels à du financement privé restent occasionnels. « L’argent que nous recevons est soit du sponsoring pour l’organisation d’un événement, soit lié à une collaboration scientifique. Au total, les contributions du secteur privé sont très limitées. La majorité de nos ressources proviennent du secteur public. »"