Le choc : Meloni élue première femme chef de gouvernement en Italie

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Comment comprendre l’élection ce dimanche de Giorgia Meloni comme première ministre de la République italienne? C’est certes la première femme élue à ce poste, mais c’est aussi la première fois depuis la seconde guerre mondiale qu’une admiratrice déclarée de Mussolini prend la tête du gouvernement italien. Cette élection est-elle un accident inexplicable, ou est-elle le reflet d’un problème plus large en Europe?

L’Europe s’est réveillée sous le choc ce lundi 26 septembre, après l’écrasante victoire aux élections anticipées italiennes de la coalition menée par les Frères d’Italie, le parti de Giorgia Meloni. Celle-ci avait notamment déclaré que Mussolini avait été « un bon politicien ». Comment expliquer cette victoire? Les Italiens sont-ils nostalgiques de la dictature fasciste ou de la République de Salò?

Une autre explication est possible. Et si cette élection était tout simplement l’expression du ras-le-bol des électeurs, confrontés à la déconnexion entre leurs préoccupations et celles de leurs décideurs politiques ? Pour paraphraser un politicien belge de la décennie précédente, « Si on n’écoute pas le mécontentement des électeurs, ils se tourneront vers les extrêmes ».

frres ditalieUn rassemblement électoral du parti les Frères d’Italie de Giorgia Meloni

Les USA craignent que les Européens « se rebellent contre la stratégie occidentale »

D’après les officiels américains cités par CNN le 12 septembre, « le risque est réel que la population européenne se rebelle cet hiver contre la stratégie occidentale (…) en raison de la hausse du prix de l'énergie »[1]. La stratégie occidentale ne semble pas du goût des citoyens occidentaux, et c’est peut-être là que réside le problème. Comment s’étonner que la population se détourne d’eux si les politiciens traditionnels mènent une stratégie contraire à ses intérêts ?

Il n’y a pas qu’en Italie que la population est d’humeur frondeuse. Le 3 Septembre, 70.000 manifestants (selon la police) se sont réunis à Prague pour exiger la démission du gouvernement tchèque, appelant leur pays à « déclarer sa neutralité », à « se débarrasser de la soumission à l'UE, l'OMS et l'ONU », à « sécuriser l'approvisionnement en gaz au travers d'accords avec la Russie », ainsi qu’à « libérer l'industrie tchèque de sa dépendance à l'égard des multinationales » [2].

manifestants pragueManifestants pacifiques, place Venceslas, à Prague

Une stratégie économique de plus en plus contestée

Des revendications qui rejoignent l’opinion du président croate Zoran Milanović. Sans langue de bois, celui-ci avait résumé la situation en ces termes le 1er septembre: « Cette politique stupide de l'Union européenne n'est pas dans l'intérêt de la Croatie, depuis le premier jour. Ce n'est pas non plus dans l'intérêt de l'Allemagne, mais ils n'osent pas le dire »[3].

Comme pour confirmer cette lecture de la situation, le ministre de l’économie allemand Robert Habeck expliquait la semaine suivante, lors d’une interview en direct à la télévision nationale, qu’il n’y aurait « pas de faillites » cet hiver. Même si, en raison de la crise économique, « de nombreuses entreprises, notamment les petits commerçants, n'auront plus de clients et ne pourront plus vendre leurs produits cette année »[4].

Un arrêt de l’activité économique qui serait, selon lui, juste « une interruption », après laquelle les commerces pourraient « être rachetés », mais il n’y aurait pas de faillite « au sens propre ». Chacun peut se faire sa propre opinion quant à la qualité de cette stratégie économique.

habeckRobert Habeck, ministre de l’économie allemand

L’Union Européenne opposée à sa propre population

Loin de tendre une oreille bienveillante aux préoccupations des citoyens européens, la présidente de la commission européenne, Ursula Von der Leyen, a déclaré à la veille des élections en Italie qu’elle dispose des « outils » pour « s’occuper » des états qui prendraient une direction qui ne lui convient pas [5] [6].

Combien de temps ce mode de gouvernement peut-il tenir la route ? Faut-il s’attendre pour cet hiver en Europe à une dérive à l’américaine, où le président en exercice a déclaré, dans une mise en scène digne des heures sombres du 20ème siècle, que les électeurs de l’autre parti représentent « une menace contre la démocratie » [7] [8] ? Et où les représentants du parti d’opposition sont pourchassés par la justice?

Au vu de la radicalisation du discours de part et d'autre, certains craignent le pire. Les opposants à la politique de l’UE seront-ils bientôt considérés ici aussi comme une menace et traînés devant les tribunaux ?

meloni von der LeyenUrsula Von der Leyen, présidente de la commission européenne

Le plus simple pour les dirigeants de l’UE ne serait-il pas de tenir compte des intérêts de leur population pour l’établissement de leurs stratégies? Cela éviterait aux électeurs de se tourner vers des partis non conventionnels, qui semblent parfois les seuls à les écouter.

 

Par Nicolas Mertens, journaliste pour BAM!


[1] Les USA craignent que les prix de l’énergie fracturent la détermination de l’UE

[2] 70.000 manifestants exigent la démission du gouvernement sur la place Venceslas

[3] Milanovic sur l'Ukraine: "C'est une politique stupide de l'UE qui n'est pas dans notre intérêt”

[4] Habeck bei Maischberger zu Insolvenz – DIE Szene

[5] EU’s VDL issues warning to Italy over right-wing victory ‘We have tools’

[6] Poland calls von der Leyen’s ‘the tools’ comment ‘scandalous’

[7] Public rejects Biden’s divisive MAGA speech

[8] Biden’s divisive rhetoric won’t hide the Democrats’ massive policy failures

Sources photos :
Images recadrées à partir des images originales d'Alessia Pierdomenico sur Shutterstock, de M. Cantile sur Shutterstock, d'Alisa Sheli sur Shutterstock, de penofoto sur Shutterstock et d'Alexandros Michailidis sur Shutterstock