Réforme fiscale 2022 : Le bal des cocus ?

Economie
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Les experts ont rendu mardi 5 juillet le projet de réforme fiscale envisagé par le gouvernement belge à partir de 2022. Cette réforme prévoit des changements radicaux dans notre régime fiscal. A la lecture, on peut se demander si ce projet de loi se fait au profit des citoyens belges ou pour le compte d’instances internationales sans aucune légitimité démocratique.

La lecture du rapport laisse une impression troublante. On peut y lire notamment « Plutôt que d'agir au coup par coup, le moment semble venu de reconstruire le système » et « il ne fait aucun doute qu'il existe des possibilités révolutionnaires » [1]. Des formules qui sentent le « Great Reset »[2] de Klaus Schwab.

Quelles sont donc ces idées de révolution et de reconstruction du système qui animent nos experts en fiscalité ? Les recommandations proviennent essentiellement d'organismes internationaux comme la Commission Européenne, l’OCDE et le FMI[3] – recommandations qui sont en anglais dans le texte. Et que recommandent ces institutions pour nos deniers ?

Que recommandent les institutions internationales pour les Belges ?

La Commission Européenne recommande entre autres de supprimer les aides au chauffage, afin de ne pas « encourager l’usage des énergies fossiles comme le gaz pour se chauffer »[4]. Le fait qu’il n’existe pas d’autres alternatives ne semble pas être un souci pour la Commission Européenne.

L’OCDE, quant à elle, recommande notamment d’introduire une taxation à périodicité régulière sur la propriété d’un logement, que ce soit en vue d’y habiter ou pour le mettre en location, mais aussi d’augmenter la base de calcul de cette taxation sur la propriété immobilière pour « refléter le marché »[5]. L’objectif affiché est de permettre d’un autre côté l’abaissement de la taxation sur le travail. Pas pour augmenter notre pouvoir d’achat, puisque nous aurons toute une série de nouvelles charges à payer, mais pour ”encourager” la mise au travail. Nous allons donc devoir travailler plus, pour être en mesure de payer plus d’impôts et plus de charges.

En effet, le FMI recommande textuellement de supprimer tous les avantages extralégaux, en particulier de « supprimer les régimes avantageux pour les voitures de société »[6], mais aussi de supprimer toutes les exemptions fiscales, en particulier celle sur l’épargne-pension[7]. L’institution recommande aussi spécifiquement à la Belgique d’augmenter les montants payés effectivement par les consommateurs à la TVA, en supprimant tous les taux réduits et exemptions[8]. Il recommande, comme l’OCDE, de taxer les personnes qui possèdent leur logement ou mettent un logement en location[9].

Le gouvernement belge prévoit-il de défendre nos intérêts ?

Manifestement, le gouvernement belge prévoit de suivre les recommandations de l’OCDE et du FMI malgré l’opposition éventuelle des Belges aux mesures proposées par ces institutions sans légitimité démocratique. Le gouvernement belge prévoit notamment bel et bien d’introduire la taxation des revenus locatifs. Ce serait un changement radical qui avait déjà été envisagé mais jamais sérieusement, tant il est évident que cela risque de faire chuter tout le secteur immobilier belge, pourtant rouage essentiel de notre économie. Les Belges ont en effet « une brique dans le ventre »[10].

Va-t-on profiter de la prochaine crise, qui se rapproche déjà très rapidement au vu de la situation internationale, pour faire passer une mesure impopulaire ? Ils ne feraient en cela qu’appliquer un mode opératoire déjà expérimenté au niveau sanitaire et sécuritaire lors de la crise covid. En effet, Klaus Schwab, le fondateur du Forum de Davos, y voit « une fenêtre d'opportunité rare mais étroite pour réfléchir, réinventer et réinitialiser notre monde » [11]. Tout laisse à penser que la prochaine crise sera l’occasion de révolutionner et de « reconstruire le système » fiscal. La présence enthousiaste du « Young Global Leaders » Alexander De Croo à des évènements du Forum de Davos[12] n’est pas de nature à rassurer sur les influences et les intentions de notre premier ministre.

La démocratie, un obstacle dispensable

Une chose est sûre, si ce projet fiscal venait à être mis en pratique, il ne s’agira pas d'une grande victoire pour la démocratie. Les auteurs de la réforme ne cachent d’ailleur pas leur inquiétude face à une résistance d’une partie de la population, notamment concernant la taxation du logement : « Aujourd'hui, l'exonération pour l’habitation propre est socialement ancrée. Il n'est donc pas évident de la remettre en question »[13]. Les élus semblent plus préoccupés par l’application au forceps des mesures recommandées par le FMI que par l 'intérêt de leurs électeurs.

C’est le même constat concernant la taxation de l'épargne : « La suppression de l'exonération pour les dépôts d'épargne suscitera probablement quelque résistance. Il est pourtant des raisons convaincantes d'effectivement la supprimer »[14]. Notre gouvernement élu prévoit donc de mettre en place les mesures recommandées par des institutions internationales non-élues, en étant parfaitement conscients que nous n’adhérons pas à ces mesures. Notre gouvernement aura alors beau jeu de se retrancher derrière le respect d'accords internationaux ou fera valoir que d’autres pays l’ont déjà appliqué… Belle leçon de démocratie !

Plus loin dans le rapport, on peut encore lire ceci : « Une telle approche semble toutefois peu réaliste et risque de buter sur une forte résistance sociale »[15]. Nos représentants ont une conscience claire que les citoyens qui les ont élus ne seraient pas d’accord avec la mise en place d’une nouvelle taxation « révolutionnaire » basée sur les recommandations de cénacles internationaux sans aucune légitimité démocratique. Encore une fois, ce qui retient nos représentants, ce n’est pas le respect du mandat démocratique qu’ils ont reçu de nous, mais uniquement la perspective que si, comme ils voudraient le faire, ils mettaient en place des mesures qui nuisent trop ouvertement à nos intérêts, nous risquerions de nous y opposer.

Des mesures destinées à dépouiller les citoyens ?

Concernant la réduction de la TVA, le rapport n'y va pas par quatre chemins et prône purement et simplement la levée de tous les taux réduits, afin d'uniformiser la TVA à 21% sur tous les produits et services, cherchant avec un cynisme remarquable à améliorer « le rapport entre la TVA effectivement perçue et la TVA théoriquement collectable »[16]. Cela reflète-t-il le souhait des citoyens ?

Le texte prévoit généralement d’abroger toutes les exemptions d’impôt et tous les régimes auxiliaires comme « les droits d’auteur, les indemnités forfaitaires pour les artistes, les flexi-jobs, les heures supplémentaires dans l’hôtellerie et la restauration, l’économie collaborative, le travail en association, le travail occasionnel dans l’HORECA, et les régimes spéciaux pour les sportifs, arbitres et entraineurs »[17]. Tout le monde devra payer le maximum possible ! Cette réforme reflète-t-elle une quelconque concertation sociale ?

Ou bien cette réforme est-elle la première étape vers l’une des perspectives de l’agenda 2030 du Forum de Davos, « vous ne posséderez rien et vous serez heureux »[18] ? Dans un système réellement démocratique, comment pareille « réforme » pourrait-elle seulement être envisagée ?

 

Nicolas Mertens, journaliste citoyen pour BAM!


[1] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p133

[2] K Schwab, COVID-19 : The Great Reset, Forum Publishing 2020

[3] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p24 à 30

[4] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p29

[5] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p24

[6] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p29

[7] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p28

[8] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p24-25

[9] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022, p24-25

[10] Le Belge a encore une brique dans le ventre mais… (enquête) - L'Avenir

[11] K Schwab, COVID-19 : The Great Reset, Forum Publishing 2020

[12] La loi, la liberté.

[13] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p113

[14] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p117

[15] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p120

[16] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p127

[17] Mark Delanote Note de vision générale concernant la réforme fiscale plus large, SPF Finances, Juin 2022 p78

[18] Welcome To 2030: I Own Nothing, Have No Privacy And Life Has Never Been Better

Source photo :
Image redimensionnée à partir de l'image originale de Garry Davies sur flickr, CC BY-NC-ND 2.0