Réaction d’un pédopsychiatre « unique en son genre »

Les tribunes
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Le Dr F. Goaréguer, Pédopsychiatre, nous a fait parvenir cette lettre écrite pour l'événement “unique en son genre“ organisé à la louvière.

Les enfants de 6 à 9 ans vivent une période dite de latence, car il n’y a pas de changement important visible dans leur comportement, ni dans leur apparence. Néanmoins, c’est une période sensible où des éléments psychiques constructeurs de l’identité se produisent à bas bruit. L’enfant est de nature influençable, surtout par les adultes.

Ce que l’adulte lui montre comme « normal » n’est pas anodin. Cela peut être vécu de différentes façons et il est possible qu’un enfant ressente comme un encouragement ou une « séduction » une approche un peu trop franche ou interpellante de la sexualité. Cela peut avoir des conséquences dommageables sur le besoin de refoulement présent à cet âge[1].

Il est régulier que les enfants traversent une phase de questionnement par rapport à leur identité, leur sexualité. En général, cela aboutit de manière naturelle à un apaisement et ils assument qui ils sont du fait de leur nature, de leur genre. Il arrive, dans de rares cas, que cela perdure et que la personne en vienne à vouloir inscrire un changement d’apparence. Cela n’est pas sans souffrance et un accompagnement spécifique doit se faire avec des psys qualifiés[2], afin d’établir si vraiment ce changement va apporter une solution ou accroître le problème.

Car malheureusement, le mal-être peut perdurer et, devant l’irréversibilité de la situation, le suicide est une conséquence possible.

Le risque de banaliser auprès des 6-9 ans le changement de genre, voire d’en faire un effet de mode, validé par les adultes, sous couvert de « tolérance » d’un phénomène relativement rare (entre 0,005 et 0,014% des hommes selon le sexe de naissance et 0,002 à 0,003% des femmes selon le sexe de naissance[3]), pourrait être de les influencer à opter pour des solutions qui ne feraient que les plonger vers plus de troubles de l’identité, jusqu’à ne plus avoir de référence.

Créer une instabilité dans le questionnement relatif à l’orientation et aux pratiques sexuelles déjà fragiles à cet âge peut en effet les rendre vulnérables à l’action de prédateurs sexuels.

Par ailleurs, en matière de sexualité, il est important d’accompagner l’enfant dans ses questionnements quand ils surviennent, pas de le précéder et de l’y forcer. Sinon, cela a un effet « effractant », une sorte de violence psychologique qui consiste à les exposer à un élément perturbant leur monde psychique à un moment où ils ne sont pas prêts. Des conséquences traumatiques et des difficultés dans la sphère du développement sexuel sont alors à craindre.

A l’heure des débats et du positionnement des pédopsychiatres autour du guide EVRAS[4], il est incompréhensible que des initiatives consistant à exposer les enfants de 6 à 9 ans à la fréquentation de Drags Queen soient organisées [5] avec l’assentiment de personnes sensées se montrer garantes de l’épanouissement des enfants conformément à la Convention Internationale des droits de l’enfant[6] qui préconise de protéger leur santé physique et mentale.

Il convient bien sûr de favoriser la tolérance chez les enfants par rapport à toute forme de différence, en les éduquant à la bienveillance et à l’empathie d’une manière générale et en accompagnant les expériences et les questions quand elles se présentent.

Mais cela n’implique pas que des adultes les obligent à se confronter à un questionnement aussi délicat que celui de l’identité sexuelle à un âge où leur psychisme à ce sujet présente une potentielle fragilité et une certaine instabilité.

On peut aussi légitimement se poser la question du choix de la personne qui présente la lecture aux enfants.

Est-on dans la neutralité ou dans l’influence ?

Cette personne est-elle qualifiée pour interagir avec des enfants au sujet de l’orientation sexuelle en tenant compte des impacts psychiques propres à cet âge ?

Autant de questions qui, pour le moins, devraient faire réfléchir aux principes de précaution.

 

Par Dr F. Goaréguer, Pédopsychiatre


[1] https://carnetpsy.fr/un-aspect-de-la-sexualite-infantile-a-la-periode-de-latence/

[2] https://www.msdmanuals.com/fr/professional/troubles-psychiatriques/sexualit%C3%A9-dysphorie-de-genre-et-paraphilies/dysphorie-de-genre

[3] Ibid.

[4] https://www.rtl.be/page-videos/belgique/societe/des-pedo-psychiatres-interpelles-par-le-nouveau-guide-evras/2022-12-06/video/507541

https://www.lejournaldumedecin.com/actualite/guide-evras-sous-pretexte-d-inclusivite-on-renonce-a-la-transmission-d-une-norme/article-normal-66531.html?cookie_check=1674998133

https://www.lalibre.be/debats/opinions/2022/12/13/non-a-lhypersexualisation-de-nos-enfants-653B6VFIFRFFVAPCK4OOWGOLOQ/

[5] https://bibliotheques.hainaut.be/evenements/unique-en-son-genre-lecture-de-contes-inclusifs-par-des-drags-queens

[6] https://www.unicef.org/fr/convention-droits-enfant/texte-convention

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que la responsabilité de l’auteur et ne représentent pas nécessairement celle de BAM!

Source photo : 
Image recadrée à partir de l'image originale de Oksana Kuzmina sur Adobestock