"Sobriété démographique": Requiem pour un faux problème ?

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Ou : nouveau bijou de la novlangue  ?

"On est 8 milliards sur terre ce 15 novembre !" ont glapi d'une seule voix, les médias de la planète.

Mieux : "Il faut trouver des solutions pour réduire la fécondité humaine." a-t-on pu lire dans une tribune du journal “Le Monde” de ce 11 novembre qui conclut que la sobriété démographique conditionne l'avenir de l'humanité....[1]

Surpopulation ? Pas sûr du tout!...

Ou plutôt un nouveau vecteur catastrophiste venu grossir la bande des potes, " climat " et “covid" ?

(Remarquons à propos de ce dernier qu'il s'est tellement essoufflé, qu'il n'en reste plus qu'une grande flaque dans laquelle gît un vieux masque.)

Nous sommes tous imprégnés de la fameuse certitude qu’on est trop sur terre, réflexion récurrente qui s'invite, presque pavlovienne dans toutes les conversations.

La célèbre théorie du pasteur anglican Thomas Malthus en 1798 selon laquelle la population augmenterait à une cadence telle qu'elle dépasserait la production alimentaire et créerait des famines a baigné des générations d'étudiants et de scientifiques.

Cette projection a finalement été balayée par des gerbes de blés agro-industrielles.

Taux de fécondité en chute libre.

De plus en plus de démographes et plusieurs études, dont une parue dans le Lancet en 2019 remettent en question les prévisions de l'ONU selon lesquelles notre population passera de 7 milliards à 11 milliards au cours de ce siècle avant de se stabiliser après 2100.[2]

Alors qu’en réalité, le pic de la population mondiale stagnerait en 2030 pour entamer un déclin qui ne fera que s'intensifier jusqu'en 2100.[3]

Ainsi, la Chine perdrait près de la moitié de sa population, passant d’ 1,4 milliard ( 2021) à 732 millions d’habitants en 2100 !

L’économiste James Pomeroy quant à lui affirme que la population européenne pourrait diminuer de moitié d’ici 2070 et la population mondiale se réduire à 4 milliards d’ici 2100.[4]

Pour les Canadiens John Ibbitson, journaliste au Globe and Mail, et Darrell Bricker, PDG d'Ipsos Public Affairs, "la planète va se vider de sa population, changeons nos idées reçues !”[5]: “En 2050, les populations de 151 des 195 pays du globe seront en décroissance titre “Courrier international” dans un extrait de son hors-série n°91 consacré à “la bombe démographique mondiale".[6]

Le problème majeur reste l'Afrique sur laquelle tout le monde louche (très logiquement) d'un air plus ou moins accusateur.

La population du continent africain triplerait quasiment en atteignant 3,4 milliards d’habitants et représenterait 38% de la population mondiale contre 16% aujourd’hui.

A ce sujet, l'économiste Sandrine Paillard pointe l'injustice que subit ce continent qui a le moins contribué à la dégradation de l’environnement. A l’inverse, c’est aussi celui qui subit le plus les effets du changement climatique.[7]

Pour rappel, la population d'un pays commence à décliner lorsque la fécondité tombe en dessous de 2,1 enfant par femme.

Les États-Unis, par exemple, ont un taux de fécondité actuel de 1,9 et le Canada de 1,6.

Contraception et urbanisation croissante sont en tête des causes les plus significatives de cette baisse de natalité.

Elles sont suivies par la hausse du prix de l'immobilier et la baisse de fertilité masculine observée il y a quelques décennies et qui semble s'accroître de plus en plus. [8]

L'arrivée en ville des femmes leur a donné accès à l'éducation, l'intégration sur le marché du travail et un désir légitime d'autonomie et de liberté.

Plus une société s'urbanise et plus les femmes exercent de contrôle sur leur corps, moins elles choisissent d'avoir de bébés” comme le constate le démographe autrichien Wolfgang Lutz qui aime à répéter :

" L’organe reproducteur humain le plus important est le cerveau“ …La femme est décidément l'avenir de l'Homme !

L'arbre qui cache la forêt du surconsumérisme ?

Les économistes Lucas Chancel et Thomas Pikettydans rappellent dans leur étude “Carbone et inégalité : de Kyoto à Paris”[9]publiée en novembre 2015 que “Si la question démographique se pose à long terme, elle risque d’être utilisée pour évincer les vraies priorités et responsabilités : une meilleure gestion et répartition des ressources et une remise en cause du modèle consumériste.

Alors que les scientifiques du monde entier nous invitent à réexaminer nos comportements individuels, OXFAM, dans son rapport de décembre 2015, estime que les 1 % les plus riches du monde ont une empreinte carbone moyenne 175 fois supérieure à celle des 10 % les plus pauvres[10].

Divers chercheurs s’accordent pour estimer qu’il est possible de nourrir une population de 9 ou 10 milliards d’habitants à l’horizon 2050, tout en réduisant les impacts environnementaux[11].

La réduction de moitié des pertes et gaspillages alimentaires permettrait une économie de 12% de la consommation d’eau[12].

Les transformations de nos modes de production seraient « porteuses de progrès environnementaux beaucoup plus considérables qu’une réduction de la pression démographique sans modification de nos modes de vie, de production et d’organisation »[13].

La vraie bombe démographique : le vieillissement de la population!

En 2050 , la terre comptera autant de moins de 25 ans que de plus de 60 ans.

Cette première dans l'histoire de l'humanité génère déjà une alarmante pénurie de main-d’œuvre.

Un exemple au Japon, une maison de retraite sur cinq doit déjà faire appel à des robots-aidants par manque d'aides-soignants et des entreprises nippones reculent voire suppriment l'âge de la retraite.

Et comme le constatent, John Ibbitson et Darrell Bricker :“Les conséquences sur la croissance économique seront très lourdes, ne serait-ce que parce qu’il y a moins de jeunes pour financer les systèmes de santé et de retraite de la population vieillissante[14].

C'est en effet la population active (15-64 ans) qui devra assurer les frais d’assurance santé et de retraite or le nombre de personnes qui quittent le marché du travail dépasse celui des personnes qui y entrent. En réaction à cette nouvelle réalité sociétale, des politiques natalistes voient le jour dans de nombreux pays pour contrer la baisse de la natalité, souvent sans succès, d’ailleurs.

Si le Japon a créé des logiciels pour trouver l'âme soeur(sic), la Russie récompense les mères héroïques, le Qatar accorde une triple prime de mariage et la Chine abandonne sa politique de l'enfant unique en la repoussant à trois enfants par famille. Ou des politiques plus offensives comme l’Iran qui a interdit la stérilisation et a fortement réduit l'accès à la contraception[15].

Face à ce constat, deux solutions s’offrent à nous :

Soit nous faisons appel à l’immigration pour remplacer cette perte de population en suivant l’exemple de l'Allemagne[16]ou du Canada qui a choisi la même voie bien que plus élitiste dans l'accueil des migrants. Soit la population se met à décliner… comme c’est déjà le cas dans une douzaine de pays.

Et à côté de ça .....la folie de l'homme guidé par son orgueil destructeur rêve toujours de repousser plus loin la longévité pour réaliser son fantasme de triompher de la mort.

Démonstration : Le Département américain de la défense vient par exemple d’annoncer pour 2022 le début d’essais cliniques d’une pilule à même de réduire préventivement les effets dégénératifs du vieillissement; une molécule sur laquelle il travaille depuis trois ans en collaboration avec l’entreprise Metro International Biotech[17].

En conclusion, nos architectes de demain créeront-ils plus de crèches ou de maisons de retraites ?

Le débat est ouvert.

Sandrine Heerebout


Source photo et Lien pour regarder la vidéo : Surpopulation : La peur aux ventres - #DATAGUEULE 94

[1]« Réduire la population contribuerait à l’atténuation du réchauffement climatique »

[2]https://news.un.org/fr/story/2022/07/112349

[3]The Lancet: Global Burden of Disease

[4]La population mondiale risque de diminuer de moitié d'ici à 2100 | Les Echos

[5](Bricker - Ibbitson: "La planète va se vider de sa population, changeons nos idées reçues" - L'Express

[6]Vers un monde dépeuplé

[7]Y a-t-il trop d'humains sur terre ? 3 experts répondent - neonmag.fr

[8]*Déclin de la fertilité masculine : un phénomène mondial qui s'accélère | Le Quotidien du Médecin

[9]Carbone et inégalité : de Kyoto à Paris

[10]!Inégalités extrêmes et emissions de CO2: Pourquoi l’accord sur le climat de Paris doit donner la priorité aux populations

[11]Cf. Karl-Heinz Erb et al., « Exploring the biophysical option space for feeding the world without deforestation », Nature Communications, 7 : 11382, 2016. Bruno Dorin, Sandrine Paillard et Sébastien Treyer (dir.), Agrimonde : scénarios et défis pour nourrir le monde en 2050, 2010, Quae.)

[12]( Mika Jalava et al., « Diet change – a solution to reduce water use ? », Environmental research letters, n° 9, 2014.

[13]Faut-il vraiment limiter la population mondiale pour sauver la planète ? - Basta!

[14]“Empty planète” éd. Les Arènes

[15]Vers un monde dépeuplé

[16]Pénurie de main-d’œuvre: l’Allemagne se lance dans l’immigration choisie - Le Soir

[17]SOCOM To Test Anti-Aging Pill Next Year - Breaking Defense